Face à la désindustrialisation, la France nourrit l'espoir d'une renaissance industrielle. Mais est-ce un espoir ou une chimère ? Le rapport incisif de Sarah Guillou, « La politique industrielle française : Démons, Dieux et Défis », publié en septembre 2024 par l'OFCE, invite à repenser la pertinence des stratégies actuelles. Il met le projecteur sur une politique industrielle tiraillée entre un passé glorieux et des futurs incertains.
Historiquement, la France a toujours adopté une posture interventionniste. Toutefois, cela a-t-il réellement permis de freiner la désindustrialisation ? L’auteur, directrice du département Innovation et concurrence à l’OFCE, souligne qu'en dépit de cette présence active de l'État, la France reste l'un des pays européens les plus touchés par la désindustrialisation. L'intervention étatique, autrefois vue comme un atout, semble aujourd'hui impuissante face aux défis économiques contemporains. La crise du Covid-19 a mis en exergue la vulnérabilité d'une industrie trop dépendante des chaînes d'approvisionnement globalisées.
Sarah Guillou critique aussi l'admiration excessive que la France porte à ses champions industriels historiques. Des entreprises comme EDF ou Airbus, bien qu'iconiques, peinent à rester compétitives au niveau mondial. Par ailleurs, la technologie, souvent perçue comme la panacée, n'a pas tenu toutes ses promesses. Malgré les investissements considérables dans l'innovation, notamment via des dispositifs comme le crédit d'impôt recherche (CIR), les résultats en matière de recherche et développement (R&D) restent modestes par rapport aux concurrents internationaux.
La question se pose alors : l'Europe peut-elle constituer un levier pour la France dans sa quête de ré-industrialisation ? L'intégration avec la politique industrielle européenne s'avère essentielle mais complexe. En effet, les règles strictes en matière d'aides d'État et de transition énergétique imposent des contraintes supplémentaires. L’auteure insiste sur la difficulté de maintenir une politique nucléaire cohérente, malgré son rôle clé dans la souveraineté énergétique du pays. De surcroît, la décarbonation, bien que cruciale, représente un fardeau supplémentaire pour un tissu industriel déjà fragilisé.
Ainsi, Sarah Guillou invite à réévaluer la pertinence de l’obsession pour la ré-industrialisation. La France peut-elle encore prétendre à son statut de grande puissance industrielle ou serait-il plus pertinent de se tourner vers d’autres secteurs économiques ? Ce qui est certain, c'est que la politique industrielle actuelle semble en décalage avec les enjeux contemporains.
La politique industrielle française a toujours occupé une place prépondérante dans les stratégies économiques des gouvernements successifs. Toutefois, si l'État souhaite réellement influencer la spécialisation productive, il doit adopter une approche plus stratégique, avec un engagement comparable à celui du secteur privé, tant en termes de risques que de durée. En dépit des montants conséquents alloués aux programmes comme France 2030, ces investissements ne suffisent pas à compenser la dispersion des objectifs. La clé du succès résiderait dans une plus grande concentration des efforts, notamment autour de la décarbonation et de l'intelligence artificielle, tout en s'inscrivant dans la dynamique européenne.
Références :
Guillou, Sarah. « La politique industrielle française : Démons, Dieux et Défis », OFCE Working Paper n°11/2024, publié par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 12 septembre 2024. Consultable à partir de : www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2024-11.pdf.
Publié le mardi 01 octobre 2024 . 3 min. 53
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