La raison s’efface, l’émotion domine. En France, le débat économique et social semble être prisonnier d’une dictature émotionnelle qui déforme la réalité et empêche toute réforme constructive. Je vous propose d’évoquer ici les cinq phénomènes émotionnels les plus dévastateurs qui obstruent notre réflexion collective.
Il y a d’abord l’angoisse du déclin qui s’est transformé en prophétie autoréalisatrice. Ce sentiment est renforcé par un discours médiatique obsédé par la perte d'influence du pays sur la scène internationale et par les comparaisons constantes avec l’Allemagne ou les États-Unis. Cette anxiété nationale se manifeste dans les discours sur l'effondrement de l'éducation, de l'industrie ou de la souveraineté.
De cette obsession du déclin, nous passons à la nostalgie d’un passé idéalisé. L’un des symptômes les plus frappants du débat économique français est en effet la nostalgie du « bon vieux temps ». Ce regard vers le passé, souvent imaginaire et tronqué, empêche d’envisager des solutions modernes aux problèmes contemporains. Il suffit d’évoquer les débats récurrents sur l’euro ou le débat sur l’âge de la retraite.
Ces tendances sont alimentées par un populisme émotionnel qui repose sur l’art de la simplification, voire de la manipulation. Les populistes français, qu’ils soient de gauche ou de droite, excellent dans l'art de la simplification excessive des enjeux complexes. Ils jouent sur les émotions comme la colère ou l'injustice, présentant des solutions simplistes à des problèmes globaux. Qu’il s’agisse des délocalisations ou de la crise migratoire, ces discours populistes déforment la réalité pour susciter l’émotion, au détriment de la raison.
De ce populisme, nous passons à la victimisation, La France est souvent décrite comme une société de la plainte, où chacun se considère comme victime d'un système injuste. Ce sentiment de victimisation omniprésent biaise le débat public et empêche une prise de responsabilité collective. Les manifestations, les grèves et les blocages sociaux en sont les exemples les plus frappants.
Enfin, on ne peut pas faire l’impasse sur l’obsession identitaire, un débat largement faussé par les passions. Cette question identitaire est devenue un terrain miné où la raison semble avoir déserté. Les débats sur l'immigration, la laïcité ou le communautarisme combiné avec l’angoisse sécuritaire sont souvent chargés d’émotions négatives, comme la peur ou la haine, qui faussent la réflexion rationnelle. Ces débats exacerbent les passions jusqu’au racisme.
Cette spirale émotionnelle est alimentée par trois acteurs majeurs : certains médias, les réseaux sociaux et les partis politiques. Les médias, souvent en quête de sensationnel, alimentent la peur et la colère avec des titres chocs et des débats polarisants. Les réseaux sociaux, amplificateurs de ces émotions, transforment chaque opinion en vérité absolue, tandis que certains partis politiques exploitent habilement ces failles pour mobiliser des électorats en quête de réponses simplistes à des problèmes complexes. Lorsque l'émotion l'emporte sur la raison, elle ouvre la porte au complotisme, transformant la peur et l'incertitude en croyances déconnectées de la réalité.
Publié le mardi 17 septembre 2024 . 3 min. 46
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de Philippe Gattet
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