Quel lien entre la réforme des retraites et le redressement des finances publiques ? C’est parce que la première, tardive et inaboutie, a été ratée que le second, désormais impératif, devient illusoire.
Soyons lucides : la France ne parviendra pas à réduire son déficit sous 3% en 2027, comme promis à Bruxelles.
C’est le sujet de mon billet libéral.
Il part d’une note préparatoire au rapport annuel 2024 du Conseil d’orientation des retraites. Dans ce document, son nouveau président, Gilbert Cette, annonce deux changements.
D’abord, il ne veut plus présenter qu’un seul scénario central.
Et puis, il veut réduire l’hypothèse de croissance de la productivité.
Révolutionnaire, ce prêchi-prêcha techno ? Je vous explique.
Avec quatre scénarios, le rapport du COR était devenu un catalogue de la Samaritaine. Experts et politiques y trouvaient ce qu’ils y cherchaient: un avenir radieux des retraites pour les uns, des lendemains lugubres pour les autres.
Du coup, le COR ne remplissait son objectif d’éclairer le débat public : la France n’a pas été capable de dégager un consensus minimal sur la nécessité même de la réforme !
Et la productivité ? C’est un indicateur clé : plus elle est faible, plus les rentrées de cotisations sont faibles. Gilbert Cette a voulu tenir compte du ralentissement tendanciel de la productivité en France.
Raté, le Conseil a exigé de maintenir 1%, quand Gilbert Cette visait 0,7%.
Perdure donc un trucage connu qui consiste à prendre des hypothèses optimistes pour embellir les comptes.
Une autre ambiguïté reste à lever. Par convention comptable, le COR traite comme une simple ressource la contribution d’équilibre versée par l’Etat pour financer la retraite des fonctionnaires.
Si le COR intégrait cette contribution payée par les ministères au-delà des cotisations des fonctionnaires, la branche vieillesse n’aurait pas affiché 4 milliards d’excédents en 2022, mais un vrai déficit de… 26 milliards.
Lors du débat sur les retraites, la vérité sur ces chiffres n’a pas été faite. La nécessité de travailler davantage pour préserver notre modèle social a été éclipsé par la défense d’intérêts catégoriels…
Et j’arrive à mon point initial.
Faute de pédagogie sur le poids des retraites, le gouvernement va avoir du mal à redresser les finances publiques.
Bercy le dit: pas de recul des dépenses sans réduction de leur volet social – le plus élevé au monde.
Dans la zone euro, les dépenses publiques atteignent en moyenne 48,5%. C’est plus de 58% en France. Et les deux tiers de cet écart s’expliquent par la santé et la protection sociale…
Mais le rendez-vous manqué de 2023 empêche Bercy de pousser son raisonnement. Or la suite logique est : pas de baisse significative des dépenses sociales sans diminution de la charge des retraites – la moitié du total.
Et donc pas de résorption structurelle du déficit public, d’abord causé par le déséquilibre réel de la branche vieillesse. Pour le dire autrement, 3% des 4,7% de déficit en 2022 incombaient aux retraites !
Trucages et mensonges ont permis de masquer cette réalité. Ils compliquent aujourd’hui le redressement de nos finances publiques.
Publié le jeudi 20 juin 2024 . 3 min. 44
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de Rémi Godeau
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