
Nous avons déjà basculé dans une nouvelle ère. Les élites académiques et les parcours traditionnels, autrefois synonymes de succès, sont aujourd’hui dépassés par des profils non conventionnels. Ces talents, longtemps en marge, imposent désormais leurs règles et défient l’ordre établi. Comme l’avait anticipé Nietzsche dans son renversement des valeurs, et Michel Foucault avec son concept du souci de soi, ces nouveaux talents ne se contentent plus de préparer l’avenir : ils le dirigent déjà. Pourtant, cette prise de pouvoir n’a pas été sans lutte, car les anciens détenteurs du pouvoir résistent, accrochés à des privilèges en voie de disparition.
Pierre-Michel Menger explique que le talent est une construction sociale, façonnée par les élites culturelles et économiques. Ces dernières imposent des critères de reconnaissance basés sur des réseaux et des titres, écartant ceux qui n’y correspondent pas. Mais les profils atypiques, longtemps exclus, ont transformé cette exclusion en force. Leur capacité à évoluer hors des cadres établis les distingue. Libérés des parcours balisés, ils incarnent l’inventivité et la capacité à se réinventer, refusant de reproduire le savoir traditionnel pour mieux l’inventer.
Yochai Benkler, dans The Wealth of Networks, montre que l’émergence des nouveaux modèles collaboratifs, soutenus par le numérique, a permis à ces talents de s’organiser en dehors des hiérarchies classiques. Ces réseaux ont propulsé les profils non conventionnels aux avant-postes de l’innovation. Mais cette révolution ne se fait pas sans résistance : les élites, qu’elles soient académiques, politiques ou économiques, luttent pour maintenir leur domination sur des structures vieillissantes.
Il devient urgent pour les entreprises de regarder au-delà des profils classiques. Ce ne sont plus dans les salons feutrés des grands hôtels que naissent les idées novatrices, mais dans la rue, là où les talents non conventionnels s’imprègnent du réel. Ces nouveaux leaders, forts de leur vécu et de la culture du terrain, incarnent la transformation dont les entreprises ont besoin pour survivre. Celles qui sauront les intégrer à leurs stratégies prendront une longueur d’avance.
Ces acteurs incarnent le modèle nietzschéen du surhomme, celui qui se recrée sans cesse, refusant les schémas préexistants. Foucault, avec son souci de soi, nous rappelle que chacun doit devenir l’entrepreneur de sa propre vie. Ces talents ne s’intègrent pas au système : ils le réinventent. Comme l’écrivait Nietzsche dans La Généalogie de la morale, la vraie force réside dans la capacité à surmonter les épreuves et à affirmer sa propre volonté.
Les « derniers » d’hier, autrefois rejetés, ont déjà surpassé ces « premiers » qui formaient les anciennes élites. Ce ne sont plus les diplômes qui départagent les gagnants, mais la capacité à se réinventer et à créer ses propres règles. Comme l’avait prédit Nietzsche, seuls ceux qui osent créer leurs propres règles deviennent les véritables artisans et maîtres de leur destin.
Références
Benkler, Y. (2006). The wealth of networks: How social production transforms markets and freedom. Yale University Press. URL : https://www.amazon.com/Wealth-Networks-Production-Transforms-Markets/dp/0300125771
Foucault, M. (1984). Le souci de soi. Gallimard. URL : https://www.gallimard.fr/catalogue/le-souci-de-soi/9782070746743
Menger, P.-M. (2009). Le travail créateur: S’accomplir dans l’incertain. Gallimard. URL : https://www.seuil.com/ouvrage/le-travail-createur-pierre-michel-menger/9782020986823
Nietzsche, F. (1887). La généalogie de la morale. Gallimard. URL : https://editions.flammarion.com/la-genealogie-de-la-morale/9782080413567
Publié le lundi 28 octobre 2024 . 3 min. 54
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