La stratégie n’est pas linéaire, à tout prendre elle serait plutôt cyclique… voire tortueuse. Le succès d’aujourd'hui ne définit pas le succès de demain. Et le plafond d’un leader peut toujours servir de fondation à celui qui ose repenser les règles du jeu. Parce que là où certains voient un plafond infranchissable, d’autres perçoivent d’abord tremplin. Cette distinction ne réside pas dans la chance ou les circonstances, mais dans la manière d’envisager une même situation. Et c’est au final ce qui distingue les « rule makers » et les « rule breakers » des « rule takers ».
Les stratégies classiques des grandes entreprises reposent sur une hiérarchie rigide des options : un plan A bien défini, suivi de plans secondaires jugés « de secours ». C’est une erreur de débutant. Car en stratégie, il n’y a pas de plan immuable, seulement des chemins non encore empruntés et qui se construisent toujours « chemin faisant » pour reprendre le titre d’un fort bel ouvrage collectif coordonné par Marie-Josée Avenier et publié il y a déjà près d’un quart de siècle.
Le management doit apprendre à accueillir cette incertitude avec audace. C’est ainsi que Netflix, autrefois loueur de DVD, est devenu un titan du streaming. Le modèle initial n’était qu’un tremplin vers un autre. Le soi-disant échec du modèle physique les a poussés à innover dans le numérique, créant non seulement un nouveau marché, mais redéfinissant la consommation mondiale de contenu. Ce n’était pas une déviation du plan, mais une réinvention.
De même Thomas Edison n’a pas « échoué » mille fois avant d’inventer l’ampoule, il a plutôt trouvé mille façons de ne pas y parvenir. Son plan A n’a pas fonctionné. Son plan B, C, et même Z ont émergé en réaction, non pas comme des solutions de repli, mais comme des alternatives tout aussi viables, redessinant son parcours. Il est en effet essentiel de comprendre que ce qui semble être une limite n’est souvent qu’une illusion créée par nos préjugés et nos routines mentales.
Le véritable pilotage stratégique repose sur cette capacité à faire des obstacles d’abord des ressources. Ce qui semble être un point d’arrêt pour l’un devient un point de départ et même un levier pour l’autre. En 1944, alors que la résistance allemande semblait infranchissable, Eisenhower a remodelé l’Opération Overlord en réponse aux imprévus. Les obstacles sont devenus des opportunités d’innovation militaire. Ce n’était pas une forme de résignation à appliquer un Plan B de secours, mais une reprojection radicale.
C’est que, bien des grandes planifications stratégiques ont été établies en vérité…chemin faisant. C’est ainsi que les chemins nouveaux empruntés finissent par remplir les pages des livres d’Histoire, quand les plans A finissent, eux, dans les poubelles.
Références :
Avenier, M.J. (coord.). (1997). La stratégie « chemin faisant ». Economica.
URL : https://www.amazon.fr/stratégie-«-chemin-faisant-»/dp/2717833641
Publié le mardi 05 novembre 2024 . 4 min. 14
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