L’échec semble parfois être devenu le nouveau mantra. Autrefois redouté, il est aujourd’hui érigé en vertu. On l’encense, le célèbre, comme s’il était la clé de la réussite. Depuis quand échouer est-il devenu si noble ? Partout, des slogans comme « Échoue encore, échoue mieux ! » masquent une réalité bien plus complexe.
L'échec est un rappel brutal, un signal que quelque chose n’a pas fonctionné, et non une récompense. Apprendre de ses erreurs, oui, mais en faire un totem, c’est pousser le paradoxe trop loin. L’échec n’est pas une médaille d’honneur, c’est un avertissement. Pourquoi s’attarder sur ce qui ne marche pas, alors qu’on pourrait plutôt se concentrer sur ce qui fonctionne et le reproduire sans relâche ?
La sagesse de la réussite réside dans la répétition des bonnes pratiques. Lafley et Martin, dans Playing to Win, analysent ainsi comment la clé du succès réside dans l’effort répété, pas dans l’analyse ad nauseam des erreurs. « L’excellence est une habitude », rappellent pour leur part Thierry Picq et ses coauteurs dans L’Art de la performance. Parce que la stratégie vise la victoire, pas l’échec. Parce qu’il ne s’agit pas de vénérer les faux pas, mais de les dépasser. Parce que « no pain, no gain », comme on dit.
Il existe certes une dimension stratégique à l’échec, lorsqu’on choisit délibérément de perdre une bataille pour mieux gagner une guerre. Cet "art de perdre" montre que parfois, il faut savoir sacrifier un pion aujourd’hui pour remporter la partie demain. Mais cette approche doit rester lucide et calculée, non pas célébrée comme une fin en soi.
La glorification de l'échec est un danger mortel. Ce culte moderne de l’échec frôle le grotesque. Demander à un chirurgien de se vanter de ses échecs serait absurde : seule la victoire compte. Même s’il faut toujours garder en tête que le succès, s’il est mal géré, peut conduire à la chute. Danny Miller, élu chercheur le plus influent des 25 dernières années par l’Academy of Management, nous le rappelle avec l’histoire d’Icare, grisé par sa réussite, qui s’est trop approché du soleil.
Arrêtons donc de glorifier l’échec, c’est la victoire qu’il faut célébrer. Comme le dit l’adage, « ce n’est pas en tombant dix fois qu’on apprend à courir vite ». Le vrai stratège ne s’attarde pas sur les défaites. Il les accepte parce qu’il n’a pas le choix, mais se projette déjà vers les victoires futures. Car rien ne serait pire pour lui que de devenir un « self-made loser ».
Célébrons donc plutôt la victoire avec les mots de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ».
Ça nous changera.
Sources :
1. A.G. Lafley et Roger L. Martin - Playing to Win: How Strategy Really Works. Harvard Business Review Press, 2013.
https://www.amazon.com/Playing-Win-Strategy-Really-Works/dp/142218739X
2. Jérôme Brisebourg, Christophe Hannezo, Thierry Picq - L’Art de la performance. Éditions Dunod, 2021.
https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/l-art-de-la-performance-9782100820726/
3. Danny Miller - Icarus Paradox: How Exceptional Companies Bring About Their Own Downfall. Harper Business, 1990.
https://www.wiley.com/en-us/The+Icarus+Paradox%3A+How+Exceptional+Companies+Bring+About+Their+Own+Downfall-p-9780887304503
Publié le mercredi 11 septembre 2024 . 3 min. 05
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