On ne présente plus le Guide Michelin, indissociable désormais de l’excellence de la gastronomie à la française. En revanche on se pose plus rarement la question de savoir comment le guide Michelin a su transcender les frontières, imposer ses standards à des marchés aussi exigeants que les États-Unis et le Japon.
Derrière cette expansion se cache une leçon stratégique mise en évidence dans leur recherche par Carole Drucker-Godard, Isabelle Bouty et Marie-Léandre Gomez publiée dans la Revue française de gestion : la clé du succès réside dans la capacité à allier rigueur et adaptation culturelle. Voilà comment une approche méthodique peut transformer des résistances locales en adhésion internationale.
Lorsque le Guide Michelin part à la conquête de New York en 2005, il se heurte à des critiques culinaires locales influentes et à la dominance du guide Zagat. L’innovation clé ? Une évaluation rigoureuse et anonyme, inédite dans un environnement où la subjectivité primait. Si le modèle Michelin a d'abord suscité des controverses, la constance et la qualité de ses évaluations ont peu à peu conquis la scène gastronomique américaine. Cette approche souligne une leçon essentielle : la qualité soutenue, associée à une transparence irréprochable, finit par créer une confiance durable, même sur les marchés réputés les plus difficiles.
L'entrée de Michelin à Tokyo en 2007 fut encore plus délicate car il s’agissait ici de marier tradition locale et standards globaux. La cuisine japonaise, profondément enracinée dans ses traditions, se montra évidemment méfiante. Cependant, l’accent mis par Michelin sur une évaluation impartiale et méthodique s'est révélée être un atout décisif. Les étoiles Michelin, perçues comme une reconnaissance internationale, ont boosté l’économie locale des restaurants. Cet exemple illustre l'importance de respecter les spécificités culturelles tout en apportant une forme de valeur ajoutée universelle : ici, des standards d'excellence reconnus.
On peut tirer 3 leçons de cette recherche : l’importance de la qualité bien sûr, mais aussi de la réputation et de la reconnaissance. Le succès du Guide Michelin sur les marchés étrangers enseigne en effet trois principes clés.
1 D’abord, il faut maintenir des standards constants : la rigueur des inspections, même face au scepticisme, a renforcé la crédibilité du Guide. Autrement dit, l’obsession de la qualité finit par faire tomber les barrières.
2 Ensuite, l’investissement dans la réputation : c’est parce que le Guide Michelin a su construire et maintenir une solide réputation en matière de qualité d’évaluation que les résistances initiales ont fini par être des atouts. Conquérir de nouveaux marchés ne se fait pas en un jour ou une nuit, le respect se gagne à l’épreuve du terrain, sur la durée.
3 Enfin, valoriser les talents locaux est essentiel : la reconnaissance professionnelle, symbolisée par les étoiles Michelin, a accru la légitimité des chefs locaux qui avaient donc tout intérêt aussi à promouvoir le guide et la qualité de ses évaluations.
Le guide Michelin, c’est donc d’abord une leçon d’internationalisation réussie par la patience, la rigueur et la ténacité. En quelque sorte, la recette pour une propulsion vers un rayonnement mondial, sur la scène internationale.
Référence :
Drucker-Godard, C., Bouty, I., & Gomez, M.-L. (2011). De la France au monde : Le Guide Michelin, vecteur du rayonnement de la marque France ? Revue française de gestion, 218-219(9-10), 53-66.. URL : https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-9-page-53?lang=fr
Publié le vendredi 25 octobre 2024 . 4 min. 05
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