
Une addiction à la performance, vraiment ?
Et si les dirigeants étaient, au fond, des toxicomanes addicts à leur propre quête de performance ? La métaphore peut sembler provocatrice, mais elle illustre une vérité difficile à ignorer.
Comme un utilisateur en quête de sa prochaine dose, le dirigeant poursuit des « shoots » de validation : réussites spectaculaires, chiffres records, ou applaudissements publics. Et cette addiction est d’autant plus redoutable que, contrairement à une addiction purement biologique, cette dépendance est souvent perçue comme une qualité dans le monde professionnel.
La spirale des excès
Chaque succès agit comme une piqûre de dopamine : une acquisition réussie, un objectif dépassé, un tableau de bord à la hausse. Pourtant, cette spirale peut conduire à des comportements très risqués, comme l’a souligné Michael Jensen, considéré comme l’un des pères de la corporate governance (la fameuse gouvernance d’entreprise) avec son concept d’ « overvalued equity » forgé en analysant les plus grands scandales financiers. Ainsi, lorsque l’écart entre perception et réalité s’élargit, les dirigeants, déterminés à maintenir l’illusion, prennent des décisions qui frôlent l’excès. Et comme chaque victoire appelle une suivante, plus grande encore, l’organisme – ou l’entreprise – est ainsi poussé jusqu’au bord de la rupture.
Entre ambition et obsession
Contrairement à une addiction classique, celle du dirigeant n’est pas immédiatement perçue comme néfaste. L’ambition, le leadership et la compétition sont des valeurs prisées. Mais quand ces qualités se transforment en obsession, elles peuvent engendrer des conséquences graves : épuisement professionnel, prises de risques irréfléchies, ou encore des scandales qui entachent irrémédiablement une carrière.
Comment échapper à la surdose ?
Il ne s’agit pas de diaboliser la quête de performance, mais de redéfinir ses limites. Éviter l’overdose managériale implique de rééquilibrer les priorités : valoriser le travail d’équipe plutôt que les exploits individuels, accepter l’imparfait, apprendre à ralentir. Les pauses ne sont pas des défaillances, mais des nécessités pour préserver sa lucidité.
Comme l’évoque Jensen, la performance durable ne repose pas sur une illusion de grandeur. Loin des dérives de l’idolâtrie de la performance, c’est bien la maîtrise de soi et de ses ambitions qui sont les clés de la réussite sur la longue durée.
Références
• Jensen (Deceased), Michael C., Agency Costs of Overvalued Equity (March 2005). ECGI - Finance Working Paper No. 39/2004, Harvard Business School NOM Working Paper No. 04-26, Financial Management, Vol. 34, No. 1, Spring 2005, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=480421
Publié le mardi 14 janvier 2025 . 3 min. 13
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