
Depuis trop longtemps, le management stratégique oscille entre deux perspectives : l’économie et la sociologie des organisations. Ce débat, bien qu'important, est désormais dépassé. Pour redonner à la stratégie toute sa portée, il est nécessaire de la reconnecter à deux disciplines clés : la science politique et le droit.
Pendant des décennies, l’application des sciences économiques à l’entreprise, via la théorie de l'agence ou celle des coûts de transaction, a conduit les dirigeants à privilégier la maximisation des profits pour les actionnaires. Simultanément, la sociologie s’est concentrée sur les jeux de pouvoir et les dynamiques sociales. Bien que ces approches aient leurs mérites, elles ne saisissent pas la complexité intrinsèque de la stratégie. Edgar Morin qualifie cette dernière comme une discipline qui affronte l'incertitude, tandis qu'Alain Charles Martinet, dans Homo-Strategicus, décrit le stratège comme un acteur engagé, au-delà des simples considérations économiques ou sociales, dans une vision politique de long terme.
La stratégie est un acte profondément politique. Elle oriente l’entreprise dans une direction cohérente avec son environnement institutionnel et sociétal. Cette dimension politique est essentielle pour comprendre pourquoi la stratégie dépasse les outils de gestion traditionnels. Comme le rappellent François Ewald et Yves Perrier dans Quelle économie politique pour la France ?, il est urgent de réorienter les entreprises à travers une politique stratégique plutôt qu’à travers des schémas économiques réducteurs.
Le lien entre la stratégie et le droit est tout aussi fondamental. Le droit offre un cadre institutionnel qui stabilise et guide la prise de décisions stratégiques. Loin d’être une simple contrainte, il devient un levier permettant à l’entreprise de viser des objectifs plus larges. Martinet évoque la financiarisation comme un « capitalisme liquide », qui a affaibli cette relation, en favorisant une gestion court-termiste. L’homo-strategicus doit, au contraire, créer des récits et des visions souhaitables, comme Pierre Veltz le préconise face aux défis sociaux et environnementaux.
Il est temps de dépasser les frontières disciplinaires actuelles. La stratégie doit être pensée comme un acte de gouvernance, intrinsèquement lié au politique et au juridique. L’heure est au grand retour de la Politique Générale d’Entreprise, avec un grand P comme Politique, un grand G comme Gouvernance, et un grand E comme Écologie, puisque l'environnement est désormais au cœur de toutes les préoccupations.
Références
• Martinet, A.C., Homo-Strategicus. Capitalisme liquide et mondes habitables, Éditions EMS (2023). URL : https://www.fnac.com/a16495233/Alain-Charles-Martinet-Homo-Strategicus
• Ewald, F., Perrier, Y., (2023). Quelle économie politique pour la France ?, Éditions de l'Observatoire. URL : https://www.fnac.com/a17571041/Yves-Perrier-Quelle-economie-politique-pour-la-France
• Veltz, P., (2021). L'Économie désirable : Sortir du monde thermo-fossile, Seuil. URL : https://www.fnac.com/a16495233/Alain-Charles-Martinet-Homo-Strategicus
Publié le jeudi 19 décembre 2024 . 3 min. 20
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