
Dans une salle de réunion tendue, un directeur de PME résume l’urgence : « Nous devons tout miser sur ce que nous savons faire de mieux. » Cette déclaration reflète l’époque actuelle : avec l’irruption de l’intelligence artificielle (IA), seules les entreprises capables de se spécialiser et de s’engager totalement survivent. C’est là qu’intervient le concept de "skin in the game" de Nicholas Nassim Taleb : transformer le risque en levier stratégique.
L’intelligence artificielle : catalyseur de rupture
L’IA ne fait pas que transformer des processus ; elle bouleverse l’économie en industrialisant les solutions génériques. Les acteurs généralistes se trouvent submergés dans une compétition sans merci. Dans ce contexte, seule une spécialisation ultra-ciblée permet de se différencier. Taleb décrit cet engagement comme un pari assumé sur ses compétences et sa capacité à prendre des risques, une qualité que les algorithmes ne peuvent imiter.
Se concentrer pour mieux régner
À vouloir tout couvrir, les entreprises s’éparpillent et perdent leur avantage. L’ultra-ciblage leur offre un positionnement tout à la fois clair et distinctif. En se concentrant sur une niche, elles transforment leurs succès en marqueurs identitaires. Cette approche leur permet de devenir des références, imposant une expertise unique et reconnue.
L’innovation disruptive passe par les marges
Comme le montrent Frédéric Fréry et Philippe Silberzahn dans un entreriten publié dans la revue Entreprendre et Innover dès 2013 (oui, 2013 !), les véritables bouleversements ne viennent pas toujours de technologies révolutionnaires, mais de la capacité à occuper des segments délaissés. C’est là que "skin in the game" prend tout son sens : se positionner sur des niches inattendues, avec un engagement complet, peut redéfinir les règles du marché.
L’engagement comme barrière infranchissable
Investir pleinement dans une niche crée un écosystème robuste et rend de fait l’entreprise progressivement incontournable. Cette implication totale impose des barrières à l’entrée redoutables, dissuadant d’autant plus les concurrents que les capacités jugées nécessaires sont considérées par eux comme « répulsives » comme le théorise le même Frédéric Fréry. L’engagement n’est donc pas seulement une stratégie, mais aussi une protection durable face à la compétition.
Oser pour réussir
Dans l’économie numérique, l’ultra-ciblage est plus qu’une stratégie : c’est une condition de survie. Jouer façon "skin in the game" c’est voir le fait de risquer sa peau comme une opportunité et non comme une menace. En adoptant cette approche, les entreprises innovent, fidélisent leurs réseaux et donc construisent une résilience durable.
Pour s’engager dans cette ULTRA-stratégie, il n’est finalement besoin que d’un préalable : tordre le cou à l’illusion, dangereuse et toxique, qu’on pourrait un jour avoir quelque chose à perdre.
Références
• Fréry, F. et Silberzahn, P. (2013). « Où en est l'innovation aujourd'hui ? » Entreprendre & Innover, n° 18(2), 82-87.
• Fréry, F. (2010). Les capacités répulsives. Communication présentée à la Conférence annuelle de l'Association Internationale de Management Stratégique (AIMS), Luxembourg.
• Taleb, N. N. (2018). Skin in the Game: Hidden Asymmetries in Daily Life, Randon House.
Publié le vendredi 24 janvier 2025 . 3 min. 52
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