
Depuis la crise financière de 2007-2008, la cupidité était devenue un symbole honni, responsable d’avoir mené le monde au bord du gouffre. Pourtant, sous le second mandat de Donald Trump, le paradigme du « Greed is good » cher à Milton Friedman semble renaître.
Une idée controversée mais enracinée
Le slogan « Greed is good » reste un pilier des idées républicaines, prônant que la quête du profit individuel est le moteur de la prospérité collective. Il nourrit une vision où les intérêts économiques dominent les discours politiques et les décisions stratégiques. Cette posture ne relève pas seulement d’un cynisme calculé : elle s’inscrit dans une tradition historique bien plus large, où les intérêts sont perçus comme une réponse aux passions destructrices.
Hirschman : discipliner les passions par les intérêts
Dans Les passions et les intérêts, Albert Hirschman explique comment, au XVIII? siècle, la montée en puissance des intérêts économiques a été saluée comme un outil permettant de canaliser les passions humaines. À une époque marquée par les conflits religieux, politiques et idéologiques, l’idée était simple : remplacer ces forces chaotiques par une logique pragmatique, celle des intérêts matériels.
Cette perspective éclaire la stratégie de Trump. Dans un monde polarisé, où les tensions identitaires et idéologiques s’intensifient, recentrer les priorités sur les intérêts – qu’ils soient individuels ou nationaux – apparaît comme un moyen de rétablir une forme de rationalité. En ce sens, le "greed" version Trump peut être vu comme un pragmatisme stratégique plutôt qu’une simple provocation.
Un exemple de pragmatisme : les accords commerciaux
L’approche de Trump se traduit notamment par ses négociations commerciales. Derrière les effets d’annonce souvent spectaculaires, la logique reste celle des intérêts bien compris : maximiser les bénéfices économiques pour les États-Unis, limiter les déséquilibres perçus, et renforcer une certaine autonomie nationale.
Cette approche rappelle la célèbre maxime de Charles de Gaulle : « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. » Appliqué aux entreprises, ce principe invite les dirigeants à adopter une vision claire et focalisée sur ce qui sert leurs objectifs stratégiques à long terme, tout en évitant de se laisser submerger par des passions ou des idéologies contre-productives.
Une leçon pour aujourd’hui
Le retour du "greed" façon Trump n’est donc pas qu’un anachronisme ou une provocation comme on le lit trop souvent. Il s’appuie sur une logique historique où les intérêts permettent de ramener un certain ordre dans un monde en proie aux passions. Cette leçon interpelle : savoir identifier, articuler et défendre ses intérêts peut être un levier des plus puissants.
Mais une autre leçon de l’Histoire c’est que si les intérêts peuvent discipliner les passions, ils ne les éclipsent jamais complètement. Et c’est bien là l’enjeu véritable du second mandat Trump : jusqu’où peut-on aller dans la quête du profit ou du pouvoir sans compromettre l’équilibre global… y compris de la planète ?
Références
• Friedman, M. (1970). The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits. The New York Times Magazine. https://www.nytimes.com/1970/09/13/archives/a-friedman-doctrine-the-social-responsibility-of-business-is-to.html
• Hirschman, A. O. (1977). Les passions et les intérêts. Paris : PUF. https://www.puf.com/les-passions-et-les-interets
Publié le jeudi 06 février 2025 . 3 min. 37
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