L’Allemagne déçoit depuis deux trimestres. La croissance est faible, beaucoup plus faible que prévue ce qui pousse à une révision constante des prévisions à la baisse. Dernières en date celles de la Commission Européenne qui au printemps dernier misait encore sur une hausse du PIB allemand de 1,8% puis de 2,0% pour 2014 et 2015 prévisions ramenées six mois plus tard à 1,3% pour cette année et à 1,1% pour la suivante, des valeurs proche de notre scénario actuel à Xerfi respectivement 1,5% et 0,9%.
Pour certains il ne s’agit que d’un incident conjoncturel lié à la crise ukrainienne et ses effets collatéraux sur les exportations allemandes vers la Russie. Ce n’est pas notre analyse à Xerfi. Non, il nous semble que le malaise est plus profond. Il faut d’abord revenir ici sur ce qui obsède les Allemands : le financement de leurs retraites. Et pour cause, l’Allemagne est un pays déjà vieux : 1 personne sur deux a plus de 45 ans, les plus de 65 ans représentent actuellement près de 21% de la population totale et en représenteront 28% environ d’ici 2030. L’objectif numéro 1 des ménages est donc d’épargner d'autant plus que le rendement des actifs sans risque est de plus en plus faible. Et dans ce contexte, il est vital pour les entreprises, de chercher leurs débouchés dans le reste du monde. C’est là que l’Allemagne a été doublement servie par l’histoire.
L’industrie a jusqu’ici, on le sait, pu bâtir son hyper-compétitivité sur le recyclage des faibles coûts salariaux et fiscaux de son voisinage, en y implantant les phases intermédiaires de sa fabrication. Elle a aussi trouvé en cela un antidote : l’euro fort, puisque qu'une partie des économies sous-traitantes sont hors zone. Mieux l’euro fort a servi ses intérêts en balayant la concurrence européenne. Elle a d’autre part bénéficié de la montée en puissance des nouveaux débouchés. Second coup de pouce de l’histoire, l’émergence synchrone de grandes économies en voie d’industrialisation rapide très demandeuses de biens d’équipements comme la Chine ou le Brésil et l’ouverture de vastes marchés à la consommation avides du made in Germany comme la Russie. Et peu importe que la Zone euro soit mise en panne par un euro fort, une inflation faible et le coup de boutoir allemand.
L’essentiel n’est pas là, le jeu s’est déplacé ailleurs. Oui mais le jeu est cassé. La Chine ralentit, le Brésil est proche de la récession, la Russie décroche et en bout de course se sont les exportations allemandes qui trébuchent. Et ce n’est pas un simple coup de mou. Les exportations ne tirent plus la croissance en Chine et les importations chinoises ne poussent plus ni la croissance mondiale ni les prix des matières premières au grand dam du Brésil ou de la Russie. Ce n’est pas une panne locale mais totale : exit donc la certitude de l’émergence rapide d’une classe moyenne capable d’absorber toujours plus de produits allemands. Et ce n’est pas dans une Europe sans moteur salarial ou budgétaire que les exportateurs allemands peuvent espérer trouver des relais de croissance.
Alors oui, les chefs d’entreprise et le gouvernement allemands, ont fait des concessions aux salariés mais ce ne sont que des gestes de circonstances, fondamentalement rien ne change. Le modèle allemand est à bout et la croissance va se rapprocher progressivement de son potentiel de long terme… pas plus de 0,5% par an.
Publié le lundi 1 décembre 2014 . 3 min. 22
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d'Alexandre Mirlicourtois
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