Dans le domaine foisonnant des théories managériales, une absence criante se fait sentir : celle de la pulsion de mort, concept fondamental de la psychanalyse freudienne. Cette occultation révèle bien plus qu’une simple omission théorique ; elle témoigne d’un déni profond qui influence notre compréhension des dynamiques individuelles et organisationnelles.
La notion de pulsion de mort émerge sous la plume de Freud en 1920 dans Au-delà du principe de plaisir, œuvre dans laquelle il met au jour l’existence d’une force primitive inhérente à la psyché humaine. Cette pulsion pousse notre structure psychique vers un retour à l’inorganique. Sous les assauts culpabilisateurs du Surmoi, gouvernée par la compulsion de répétition, cette tendance à reproduire des situations pénibles, la pulsion de mort se manifeste dans une agressivité fondamentale qui caractérise aussi bien nos relations sociales que notre rapport à nous-mêmes.
Le management contemporain et les pratiques de développement personnel, imprégnés par la philosophie pragmatique nord-américaine et les thérapies cognitivo-comportementales, ont écarté cette dimension. Ils ont préféré construire un édifice théorique sur la base d’une positivité à tout prix et sur la croyance en une tendance naturelle vers l’épanouissement. Cette vision édulcorée postule un sujet unifié, de rationalité limitée, capable d’orienter consciemment son existence vers un mieux-être permanent. Cet optimisme béat du développement personnel, qui a envahi notre culture depuis deux décennies, nous berce de l’illusion que la seule force de volonté suffirait à vaincre nos tourments intérieurs, niant cette évidence clinique pourtant incontournable : l’être humain possède en lui une tendance significative et signifiante d’auto-sabotage que nulle pensée positive ne pourra jamais totalement déraciner. Encore moins un chief happiness officer !
Pourtant, les recherches récentes en biologie moléculaire apportent une validation troublante aux hypothèses freudiennes. Comme le rappelle le chercheur en immunologie Jean-Claude Ameisen, les travaux sur l’apoptose – cette mort cellulaire programmée – montrent comment la capacité d’autodestruction est inscrite dans nos cellules depuis l’origine de la vie. La mort n’est pas seulement ce qui vient de l’extérieur détruire l’organisme ; elle est constitutive du vivant lui-même.
Cette négation de la pulsion de mort en management a des conséquences délétères. D’abord, elle conduit à une incompréhension des phénomènes de résistance et d’échec dans les démarches de transformation. La résistance n’est pas simplement un défaut d’information ou de communication, mais l’expression d’une tendance fondamentale à préserver un équilibre antérieur. Ensuite, en postulant une convergence spontanée entre épanouissement individuel et performance collective, le discours managérial dominant laisse les sujets démunis face à l’expérience quotidienne de l’ambivalence et de la destructivité inhérente aux relations humaines. La violence qui s’exerce dans les organisations – harcèlement, non-dits, manipulation, « coups de poignard dans le dos » – n’est pas une anomalie, mais l’expression de cette pulsion de mort que la pensée managériale s’obstine à ne pas reconnaître.
Un modèle de management qui intégrerait pleinement les apports de la clinique freudienne permettrait de penser plus adéquatement les phénomènes de résistance, de destructivité et d’autodestruction à l’œuvre dans les entreprises. Il est temps, aux côtés des avancées des neurosciences, de réintégrer l’héritage fondamental de la psychanalyse dans notre compréhension des dynamiques individuelles et sociales. Car c’est dans cette capacité à reconnaître et à travailler avec la complexité du psychisme humain, et de sa « vie animique » comme l’écrivait Freud, que réside la possibilité d’un salutaire développement, tant personnel qu’organisationnel.
La notion de pulsion de mort émerge sous la plume de Freud en 1920 dans Au-delà du principe de plaisir, œuvre dans laquelle il met au jour l’existence d’une force primitive inhérente à la psyché humaine. Cette pulsion pousse notre structure psychique vers un retour à l’inorganique. Sous les assauts culpabilisateurs du Surmoi, gouvernée par la compulsion de répétition, cette tendance à reproduire des situations pénibles, la pulsion de mort se manifeste dans une agressivité fondamentale qui caractérise aussi bien nos relations sociales que notre rapport à nous-mêmes.
Le management contemporain et les pratiques de développement personnel, imprégnés par la philosophie pragmatique nord-américaine et les thérapies cognitivo-comportementales, ont écarté cette dimension. Ils ont préféré construire un édifice théorique sur la base d’une positivité à tout prix et sur la croyance en une tendance naturelle vers l’épanouissement. Cette vision édulcorée postule un sujet unifié, de rationalité limitée, capable d’orienter consciemment son existence vers un mieux-être permanent. Cet optimisme béat du développement personnel, qui a envahi notre culture depuis deux décennies, nous berce de l’illusion que la seule force de volonté suffirait à vaincre nos tourments intérieurs, niant cette évidence clinique pourtant incontournable : l’être humain possède en lui une tendance significative et signifiante d’auto-sabotage que nulle pensée positive ne pourra jamais totalement déraciner. Encore moins un chief happiness officer !
Pourtant, les recherches récentes en biologie moléculaire apportent une validation troublante aux hypothèses freudiennes. Comme le rappelle le chercheur en immunologie Jean-Claude Ameisen, les travaux sur l’apoptose – cette mort cellulaire programmée – montrent comment la capacité d’autodestruction est inscrite dans nos cellules depuis l’origine de la vie. La mort n’est pas seulement ce qui vient de l’extérieur détruire l’organisme ; elle est constitutive du vivant lui-même.
Cette négation de la pulsion de mort en management a des conséquences délétères. D’abord, elle conduit à une incompréhension des phénomènes de résistance et d’échec dans les démarches de transformation. La résistance n’est pas simplement un défaut d’information ou de communication, mais l’expression d’une tendance fondamentale à préserver un équilibre antérieur. Ensuite, en postulant une convergence spontanée entre épanouissement individuel et performance collective, le discours managérial dominant laisse les sujets démunis face à l’expérience quotidienne de l’ambivalence et de la destructivité inhérente aux relations humaines. La violence qui s’exerce dans les organisations – harcèlement, non-dits, manipulation, « coups de poignard dans le dos » – n’est pas une anomalie, mais l’expression de cette pulsion de mort que la pensée managériale s’obstine à ne pas reconnaître.
Un modèle de management qui intégrerait pleinement les apports de la clinique freudienne permettrait de penser plus adéquatement les phénomènes de résistance, de destructivité et d’autodestruction à l’œuvre dans les entreprises. Il est temps, aux côtés des avancées des neurosciences, de réintégrer l’héritage fondamental de la psychanalyse dans notre compréhension des dynamiques individuelles et sociales. Car c’est dans cette capacité à reconnaître et à travailler avec la complexité du psychisme humain, et de sa « vie animique » comme l’écrivait Freud, que réside la possibilité d’un salutaire développement, tant personnel qu’organisationnel.
Publié le jeudi 03 avril 2025 . 4 min. 50
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