« J'ai toujours été fascinée par les personnes qui peuvent faire deux choses à la fois : écouter et ne rien comprendre. »
Au-delà du mot d'esprit, ce constat ironique remet en question l’idée fort répandue que l’on peut faire deux choses en même temps. Dans notre environnement professionnel comme dans notre vie personnelle, certaines croyances sur le fonctionnement du cerveau sont solidement ancrées. Ces « neuromythes » méritent d'être examinés à la lumière des récentes avancées scientifiques.
A l’heure où l’on brandit le mot « agile » comme un étendard, le multitâche est probablement aujourd'hui l'une des compétences les plus valorisées. Répondre à des emails tout en participant à une réunion, analyser des données tout en écoutant un podcast, superviser une équipe tout en finalisant un rapport urgent... Ces comportements sont non seulement encouragés mais souvent considérés comme les marques d'un manager performant.
Pourtant, selon une recherche en médecine publiée en 2016 et à suivre le professeur en neurologie de McGill, Sylvain Baillet, le véritable multitâche serait une impossibilité neurologique. Ce que nous appelons « multitâche » est en réalité un phénomène de commutation rapide entre différentes tâches, créant l’illusion de la simultanéité. Certes, nous pouvons réaliser deux activités simultanément lorsque l’une d’elles est devenue automatique par l’apprentissage répétitif, comme marcher et parler en même temps. Mais quand il s’agit de tâches au sens de comportements conscients et intentionnels, la donne est différente. Les expériences menées en 2015 par des chercheurs français, parmi lesquels Sébastien Marti et Stanislas Dehaene, ont démontré que lorsque le cerveau est confronté à deux tâches simultanées, les performances déclinent après seulement 500 millisecondes. Les processus liés à la seconde tâche sont soit allongés, soit retardés, entraînant une dégradation de l’information traitée. Le multitâche, c’est en somme l’assurance de faire des erreurs.
Autre affirmation, autre neuromythe, qui continue de fasciner : « Nous n’utilisons que 10% de notre cerveau. » Son origine reste mystérieuse, bien que certains l’attribuent au psychologue et philosophe William James. Cette idée séduisante a alimenté de nombreuses croyances New Age et inspiré nombre de méthodes de développement personnel promettant de libérer notre potentiel inexploité. La réalité scientifique est pourtant sans ambiguïté : nous utilisons 100% de notre cerveau, en permanence. Les avancées en techniques d’imagerie médicale moderne confirment cette activité constante. Même au repos, toutes les zones cérébrales présentent une activité significative, s'activant tour à tour dans un ballet neuronal incessant.
Enfin, contrairement à la croyance populaire, notre cerveau n’est pas le seul « maître à bord » lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. La science a découvert un réseau neuronal sophistiqué logé dans notre ventre : le système nerveux entérique. Ce « second cerveau » comprend environ 500 millions de neurones. Il est en communication constante avec notre système nerveux central via le nerf vague, créant un axe direct intestin-cerveau. Cette communication bidirectionnelle explique pourquoi nos émotions affectent notre digestion (avoir « l'estomac noué » par le stress, « digérer une information »). Plus surprenant encore, cet axe intestin-cerveau explique pourquoi notre état digestif influence nos émotions et nos décisions.
La sérotonine, neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l'humeur, est produite à 95% dans l’intestin. En d’autres termes, notre ventre est le principal producteur d’une substance chimique qui influence directement notre capacité à prendre des décisions de façon équilibrée.
Pour les managers, cette connaissance devrait nous amener à reconsidérer l’importance de notre instinct - ce fameux « feeling » qui pourrait être en partie influencé par notre système nerveux entérique. Notre « intelligence viscérale », celle des guts en anglais, mérite d’être écoutée avec attention, sans pour autant renoncer à l’analyse rationnelle.
Au travail comme ailleurs, la connaissance scientifique devrait guider nos pratiques, dissipant les fausses croyances pour nous permettre d’appréhender notre fonctionnement cognitif, affectif et social avec lucidité.
Au-delà du mot d'esprit, ce constat ironique remet en question l’idée fort répandue que l’on peut faire deux choses en même temps. Dans notre environnement professionnel comme dans notre vie personnelle, certaines croyances sur le fonctionnement du cerveau sont solidement ancrées. Ces « neuromythes » méritent d'être examinés à la lumière des récentes avancées scientifiques.
A l’heure où l’on brandit le mot « agile » comme un étendard, le multitâche est probablement aujourd'hui l'une des compétences les plus valorisées. Répondre à des emails tout en participant à une réunion, analyser des données tout en écoutant un podcast, superviser une équipe tout en finalisant un rapport urgent... Ces comportements sont non seulement encouragés mais souvent considérés comme les marques d'un manager performant.
Pourtant, selon une recherche en médecine publiée en 2016 et à suivre le professeur en neurologie de McGill, Sylvain Baillet, le véritable multitâche serait une impossibilité neurologique. Ce que nous appelons « multitâche » est en réalité un phénomène de commutation rapide entre différentes tâches, créant l’illusion de la simultanéité. Certes, nous pouvons réaliser deux activités simultanément lorsque l’une d’elles est devenue automatique par l’apprentissage répétitif, comme marcher et parler en même temps. Mais quand il s’agit de tâches au sens de comportements conscients et intentionnels, la donne est différente. Les expériences menées en 2015 par des chercheurs français, parmi lesquels Sébastien Marti et Stanislas Dehaene, ont démontré que lorsque le cerveau est confronté à deux tâches simultanées, les performances déclinent après seulement 500 millisecondes. Les processus liés à la seconde tâche sont soit allongés, soit retardés, entraînant une dégradation de l’information traitée. Le multitâche, c’est en somme l’assurance de faire des erreurs.
Autre affirmation, autre neuromythe, qui continue de fasciner : « Nous n’utilisons que 10% de notre cerveau. » Son origine reste mystérieuse, bien que certains l’attribuent au psychologue et philosophe William James. Cette idée séduisante a alimenté de nombreuses croyances New Age et inspiré nombre de méthodes de développement personnel promettant de libérer notre potentiel inexploité. La réalité scientifique est pourtant sans ambiguïté : nous utilisons 100% de notre cerveau, en permanence. Les avancées en techniques d’imagerie médicale moderne confirment cette activité constante. Même au repos, toutes les zones cérébrales présentent une activité significative, s'activant tour à tour dans un ballet neuronal incessant.
Enfin, contrairement à la croyance populaire, notre cerveau n’est pas le seul « maître à bord » lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. La science a découvert un réseau neuronal sophistiqué logé dans notre ventre : le système nerveux entérique. Ce « second cerveau » comprend environ 500 millions de neurones. Il est en communication constante avec notre système nerveux central via le nerf vague, créant un axe direct intestin-cerveau. Cette communication bidirectionnelle explique pourquoi nos émotions affectent notre digestion (avoir « l'estomac noué » par le stress, « digérer une information »). Plus surprenant encore, cet axe intestin-cerveau explique pourquoi notre état digestif influence nos émotions et nos décisions.
La sérotonine, neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l'humeur, est produite à 95% dans l’intestin. En d’autres termes, notre ventre est le principal producteur d’une substance chimique qui influence directement notre capacité à prendre des décisions de façon équilibrée.
Pour les managers, cette connaissance devrait nous amener à reconsidérer l’importance de notre instinct - ce fameux « feeling » qui pourrait être en partie influencé par notre système nerveux entérique. Notre « intelligence viscérale », celle des guts en anglais, mérite d’être écoutée avec attention, sans pour autant renoncer à l’analyse rationnelle.
Au travail comme ailleurs, la connaissance scientifique devrait guider nos pratiques, dissipant les fausses croyances pour nous permettre d’appréhender notre fonctionnement cognitif, affectif et social avec lucidité.
Publié le mercredi 21 mai 2025 . 5 min. 27
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