Un mythe persistant entoure le fonctionnaire. Le mot suscite autant de controverses que de débats. Entre admiration et jalousie, entre accusations de privilèges et réalités de service, les fonctionnaires sont bien souvent incompris. Pourtant, ils ne sont ni plus ni moins que des salariés et des citoyens, au service d'une mission publique, parfois vitale. Si la fonction publique partage des similitudes avec toute autre organisation, il est impératif de reconnaître ses spécificités. Celles-ci résident non seulement dans la notion de service, mais aussi dans l'engagement profond qu’elle requiert.
Dans la santé, l’éducation, ou la sécurité, produire un service public dépasse la simple performance. Il s'agit d'une nécessité. Le New Public Management (NPM), introduit dans les années 90, a tenté d’améliorer la gestion des services publics en appliquant des méthodes issues du secteur privé. L’idée était séduisante : rationaliser, optimiser, évaluer. Pourtant, la réalité s'est avérée bien plus complexe. En cherchant à mesurer la productivité, les décideurs ont omis de prendre en compte l’essence même du service public, ainsi que l’engagement des agents qui le portent.
Les travaux de Christopher Hood, pionnier dans l’analyse du NPM, montrent que les résultats ont souvent été loin des attentes. Sous le gouvernement de Tony Blair, les services de santé britanniques se sont vus imposer une multiplication des objectifs : 300 objectifs locaux dérivés de seulement dix objectifs nationaux, rendant la gestion des organismes de santé quasi impossible. Les écoles publiques anglaises, elles, ont dû répondre à 90 critères complexes pour chaque établissement. Résultat ? Une destruction progressive de la valeur des services publics et une démotivation des agents.
Le NPM a aussi transformé la manière dont les fonctionnaires sont perçus. De simples exécutants du service public, ils sont devenus des "managers responsables", évalués sur des résultats souvent hors de leur contrôle. Si l’idée de rendre les administrations plus transparentes et moins corrompues est louable, son application démesurée a conduit à des dysfonctionnements. Les sanctions liées à la non-réalisation d’objectifs, pouvant aller jusqu’au licenciement, ont généré une ambiance de travail toxique, nuisant à l’engagement des équipes.
Le New Public Management nous rappelle une leçon essentielle : tout ce qui fonctionne dans le secteur privé ne peut être automatiquement transposé dans le service public. Les fonctionnaires ne sont pas des machines à produire, mais des individus investis dans des missions essentielles à la société. Si la gestion publique doit évoluer, elle ne doit jamais perdre de vue cette réalité.
Gouverner, c’est aussi comprendre.
Références :
• Deville A, 2021, Christopher Hood : la quête du sens des mesures de la performance, dans Chatelain-Ponroy, S., Gibert, P., Rival, M., & Burlaud, A., Les grands auteurs en management public. Éditions EMS.
• Hood, C. (1995). The “new public management” in the 1980s: Variations on a theme. Accounting, organizations and society, 20(2-3), 93-109.
Publié le vendredi 18 octobre 2024 . 3 min. 10
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