On nous le martèle sans relâche : l’attention serait la ressource la plus précieuse du XXIe siècle, mais aussi la plus menacée. Fatigue informationnelle, surcharge cognitive, consommateurs ultra-connectés mais désinvestis… Autant de signes prétendument représentatifs de notre époque. Pourtant, cette obsession pour l’attention n’a rien de nouveau. Elle constitue plutôt une étape supplémentaire dans une longue histoire de l’angoisse communicationnelle.
Dans les années 1960, Herbert Simon, pionnier de la théorie de la rationalité limitée, soulignait déjà la rareté de l’attention face à une offre informationnelle exponentielle. Deux décennies plus tard, le concept d’« information overload » émergeait, pointant les défis imposés aux consommateurs par un excès de choix. Ce phénomène n’est pas nouveau : depuis l’invention de l’imprimerie, chaque révolution technologique dans la communication a entraîné des craintes similaires. Ces problématiques ne relèvent donc pas d’une tendance passagère, mais d’une dynamique structurelle inhérente à nos sociétés modernes. La rareté de l’attention n’est pas simplement une conséquence de l’évolution technologique ; elle révèle aussi notre difficulté collective à trier et prioriser l’information. Dès lors, plutôt que de céder à des discours alarmistes, il conviendrait de revenir aux fondamentaux de la communication.
Un constat s’impose : marques et individus partagent une même névrose de reconnaissance. Si les individus sont envahis par la « FOMO » (« fear of missing out »), les marques, elles, souffrent de « NOMO » (« not enough of me »). Elles redoutent de ne pas être suffisamment visibles, appréciées ou partagées. Cette anxiété chronique les pousse à orchestrer un spectacle incessant, souvent dénué de substance. Ce besoin insatiable de capter l’attention les amène à investir dans des stratégies de communication tapageuses qui se perdent dans la surenchère d’émotions et d’effets visuels.
Le véritable enjeu du déficit attentionnel ne se situe peut-être pas dans la saturation de nos cerveaux par plus de 60 000 morceaux d’information quotidiens ou 3 000 messages publicitaires, mais ailleurs. Cette saturation, bien qu’omniprésente, ne signifie pas que nous soyons incapables de nous concentrer. Elle reflète plutôt une transformation dans la manière dont nous traitons et hiérarchisons les données qui nous entourent.
L’attention n’est pas qu’une question de volumétrie d’information. Le problème n’est pas tant le nombre de messages concurrents ou le manque d’attention du public. L’attention repose avant tout sur l’autorité et la pertinence de l’émetteur. Or quelles sont les marques capables d’émettre des messages vraiment intéressants, et non simplement impactants ? Quelles histoires savent-elles raconter, avec une véritable intrigue et non de simples artifices de storytelling ? Sachant qu’une narration signifie une intrigue porteuse de sens, qui suscite la curiosité et l’engagement du récepteur.
La captation de l’attention n’est donc pas un problème en soi. Ce qui pose réellement question, c’est la manière dont on l’aborde. Au lieu de multiplier les stratégies pour créer le « buzz », il serait préférable d’adopter une approche plus rigoureuse et méthodique. L’attention se mérite. Elle se conquiert en proposant un contenu structurant et crédible, capable de capter l’intérêt et de nourrir une relation durable.
Dans ce contexte, il est essentiel de distinguer l’impact du contenu. Créer de l’impact ne signifie pas sacrifier le contenu au profit du sensationnalisme. Les marques doivent s’ancrer dans des récits légitimes et porteurs de sens. C’est à cette condition qu’elles pourront transformer le prétendu déficit attentionnel en une opportunité pour résonner avec leurs publics sur des bases solides et durables.
Publié le lundi 19 mai 2025 . 4 min. 21
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de Benoît Heilbrunn


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