On connaît Abraham Maslow pour une pyramide qu’il n’a probablement jamais dessiné. On oublie pourtant que c’est un pilier du coaching. Car le coaching s’appuie sur un naturalisme optimiste qui postule que l’être humain existe sous forme de potentialités à développer l’aide de la science et des psychothérapies. Il fait le pari d’une nature humaine qui serait à la fois bonne, sociable et talentueuse. Pour autant, bien qu’il soit souvent présenté comme un outil à la fois pragmatique et bienveillant, le coaching regorge de paradoxes qui méritent d’être explorés. Baptiste Rapin nous nous propose une lecture philosophique et anthropologique de cette pratique en mettant en lumière ses paradoxes. Le coaching s’ancre dans des croyances et pratiques issues de la mouvance New Age. Il vise une quête de sens dans une société liquide où les identités sont fluides et où les structures traditionnelles – religieuses, communautaires, familiales – vacillant, l’individu cherche de nouvelles sources de signification. Il repose sur un postulat optimiste : chaque individu possède un potentiel unique qu’il peut développer s’il est bien accompagné. Il s’agit d’offrir un espace de liberté et de créativité pour permettre à chacun de devenir la meilleure version de lui-même. Cependant, alors que le coaching valorise l’autonomie et la responsabilité individuelle, il peut parfois renforcer des formes subtiles de dépendance, quand il n’exacerbe pas de flagrantes contradictions. Le coaching se présente comme un espace où l’individu explore ses valeurs, ses désirs et ses émotions. Cette introspection, serait la clé d’un épanouissement personnel et d’une harmonie retrouvée avec le moment présent. Mais cet épanouissement est souvent orienté vers des objectifs concrets : atteindre des résultats, optimiser son temps, ou encore améliorer ses performances professionnelles. Il incarne une dialectique permanente qui peut engendrer des tensions, dans la mesure où l’individu, censé se recentrer sur lui-même, devient un sujet performatif, adapté à des logiques économiques plutôt qu’à ses propres besoins. En demandant au coaché de réorganiser sa vie selon un cadre souvent imposé par l’entreprise, il peut devenir un instrument de normalisation, où l’individu se conforme davantage qu’il ne se libère.
Le coaching est d’abord un bricolage de tendances, de courants et de mouvements divers. Il s’agit dès l’origine de mélanger sans préjugés des techniques chinoises du 5ème siècle aux acquis de la cybernétique, d’où par exemple un Tao de la physique qui soutient que nous accéderions à un univers harmonieux aussi bien par la physique quantique que par la sagesse orientale. C’est donc une apologie du relativisme le plus décomplexé. D’ailleurs, le New Age a toujours prétendu ne pas être une doctrine et ne pas avoir de doctrine. Le seul élément doctrinal est pourtant radical, à savoir qu’il suppose que chacun détient sa vérité et peut créer sa réalité. Il ne saurait y avoir de norme acceptable en dehors de celle que je me représente en mon for intérieur, il ne saurait exister de vérité d’où un total subjectivisme. Ce subjectivisme exacerbé éclipse les réalités sociales et structurelles, enfermant le coaché dans une logique d’auto-engendrement et de toute puissance dont on sait les possibles ravages.
Référence : Baptiste Rapin, Les enjeux anthropologiques du coaching, éditions Ovadia, 2024.
Publié le jeudi 06 mars 2025 . 3 min. 58
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