L’accélération de tout s’impose à nous avec une brutalité déconcertante. L’innovation est à la fois notre fierté et notre malédiction : ordinateurs, voitures, vêtements Tout devient obsolète si tôt sorti de l’usine. Dans cette course effrénée vers le nouveau, notre éthique hédoniste pervertit le besoin en désir, nous rendant perpétuellement insatisfaits et épuisés. Nous sommes devenus des junkies de la nouveauté, manipulés par un marketing sournois basé sur l'obsolescence de style. Bien plus insidieuse que l’obsolescence programmée, cette stratégie pousse les consommateurs à délaisser des produits encore fonctionnels pour embrasser sans cesse le désir de nouveauté.
Il serait naïf de croire que le problème se limite à des consommateurs insatiables ou à des fabricants sans scrupules. La réalité est bien plus complexe. Les consommateurs cherchent désespérément à suivre le rythme effréné de l’innovation, tandis que les fabricants sont contraints de produire sans relâche pour rester compétitifs. Cette dynamique, maintenue par des prix toujours plus bas et une innovation perpétuelle, perpétue une consommation frénétique et aveugle.
Les gouvernements, eux, sont complices de cette dérive, en définissant des cadres réglementaires et fiscaux qui favorisent cette surconsommation. Renoncer au progrès technologique semble impensable, tant il est ancré dans notre culture et notre économie. Pourtant, il est crucial de questionner ce modèle. Si l’innovation peut parfois servir des causes nobles, comme l’efficacité énergétique, la recherche perpétuelle de nouveauté ne doit pas justifier un gaspillage incessant.
La valorisation de la nouveauté imprègne tous les aspects de notre culture, des arts à la science, en passant par les médias. Interdire aux auteurs de publier, aux chercheurs de découvrir ou aux journalistes de rapporter des actualités serait absurde. Pourtant, il est possible de trouver un équilibre, de promouvoir une culture de la durabilité sans sacrifier l’innovation.
Une lueur d’espoir réside peut-être dans l’engouement pour le vintage et le marché de la seconde main. Mais cette tendance reste fragile, potentiellement éphémère. Pour qu’elle devienne une véritable alternative, il est essentiel de la soutenir activement, non seulement par des campagnes de sensibilisation, mais aussi par des politiques incitatives favorisant la durabilité des produits. Ce qui veut dire que nous aurons besoin du marketing pour faire évoluer les imaginaires de consommation.
Nous avons tous qu’il faut favoriser l’usage, la réparabilité et la réutilisation. Et nous savons que la morale est inopérante, les admonestations inefficaces et la bonne volonté insuffisante. Il est vain de vouloir changer -et donc manipuler- les imaginaires et les pratiques sans recourir au marketing. Il est donc raisonnable de penser que le marketing, principal moteur de l'accélération du cycle de production et de consommation, pourrait également contribuer à sa décélération. En d'autres termes, il pourrait se révéler être l'antidote au poison qu'il a lui-même injecté.
Publié le vendredi 17 janvier 2025 . 3 min. 31
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