Le discours social nous bombarde d’utopies et de dystopies mais n’évoque plus guère le progrès ; celui qui permettait pour les hommes de Lumières se projeter dans un avenir désirable mais plausible. Contrairement à l’utopie qui projette ou rêve de nouveaux modes de vie, le progrès n’a de sens que s’il est à la fois crédible et accessible. Le discours transformatif de la plupart des entreprises qui nous exhortent à sauver la planète est de nature utopique mais ne relève nullement du progrès. Car croire au progrès c’est d’une certaine manière accepter de sacrifier quelque chose d’un présent personnel au profit d’un futur collectif. Rien ne dit a priori que nous soyons capables ou même n’ayons envie de sacrifier le confort de notre existence pour un avenir hypothétique. Intoxiqués que nous sommes par le sentiment urgence, nous est-il encore possible de croire au progrès ? La notion de progrès est devenue une vieille rengaine que nous avons troqué contre l’innovation qui est omniprésente dans le discours social. La différence fondamentale est que le progrès fait l’objet d’une concertation, d’un dialogue, pas l’innovation. Le progrès est délibératif, l’innovation n’est que prescriptive, elle nous semble imposée
C’est pourquoi l’innovation est une promesse illusoire qui nous tient en haleine sans jamais vraiment transformer nos vies. Le discours dominant nous dit qu’il faut innover pour survivre, pour rester compétitifs, pour résoudre les crises du climat, de l’énergie, de la santé. De la même façon que le néolibéralisme nous dit qu’il faut s’adapter. Mais soyons réalistes : cette prétendue innovation n’est souvent qu’un moyen de maintenir le statu quo, de donner l’impression du mouvement tout en gardant les mêmes structures obsolètes. Soyons lucides, l’innovation est darwinienne, non lamarckienne: elle promet des solutions techniques à nos problèmes sans véritable projet de société Il s’agit souvent d’innover pour innover, sans vision globale ni horizon désiré. Pire encore, cette frénésie d’innovation détourne notre attention des vrais défis, ceux qui nécessiteraient une véritable révolution, un saut quantique vers un modèle de société réellement différent.
Alors, que faire ? Devons-nous abandonner l’idée même d’innovation ? Certainement pas. Mais il est grand temps de redonner au mot « progrès » ses lettres de noblesse. Et pour ce faire, il mettre l’innovation au service d’un projet collectif ambitieux, pour qu’elle ne soit pas un simple outil de survie dans un monde en perdition. En fin de compte, ce n’est pas l’idée de progrès qu’il faut abandonner, mais la manière dont nous la poursuivons. Il est temps de remettre le progrès sur ses rails, de lui redonner un sens, et de cesser de courir aveuglément vers un avenir qui pourrait bien nous échapper.
Publié le vendredi 14 février 2025 . 3 min. 14
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de Benoît Heilbrunn




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