Ils s’appellent souvent Julien ou Nathalie, ont 36 ans, pratiquent le yoga, aiment voyager et son férus d’art contemporain. Vous aurez reconnu les vedettes incontestées des présentations powerpoint et des études marketing : les persona. Encore une fausse bonne idée sur laquelle les marketers se ruent les yeux fermés. Et voici pourquoi il faut s’en méfier.
Parler de client en termes de masques (puisque tel est son étymologie) ne semble pas une idée judicieuse à moins de considérer que, tel Ulysse, son client n’est personne. Et puis derrière cette façade, se cache-t-il vraiment une vérité sur les comportements d'achat ?
Oui, Julien peut aimer le bio et Nathalie les soirées entre amis, mais qu’est-ce que cela permet d’expliquer de leurs schémas de consommation ? Segmenter la clientèle en fonction de ces caractéristiques superficielles ne fait que nous éloigner de la réalité mouvante et souvent irrationnelle de leurs décisions d'achat.
Ce qu’on attend d’une variable de segmentation c’est qu’elle soit à la fois discriminante et prescriptive, c’est-à dire quelle permette non seulement de faire des différences significatives entre des groupes d’individus mais qu’elle puisse prédire leurs achats, Rien n’est moins sûr avec les persona qui ne sont que des descriptions finalement abstraites et très conventionnelles alors qu’ils sont censés donner un peu de chair à ce consommateur que l’on ne rencontre en fait jamais quand on est marketer.
Les marketeurs se sont laissé séduire par la promesse d'une vision claire et prévisible du consommateur, comme Ulysse cherchant à dévoiler l'identité de son interlocuteur masqué. Mais dans un monde où les variables de situation comme le moment de la journée, l'état du temps ou même l'humeur influencent plus que les goûts déclarés, la segmentation traditionnelle atteint ses limites. Incarner le consommateur pour le comprendre part d’une bonne intention. Comprendre son mode de vie est un élément intéressant, mais pas forcément explicatif dans une société de plus en plus atomisée.
Imaginez Nathalie, décidant d'acheter du fromage un jour de pluie pour se réconforter, ou Julien, cédant aux chocolats pour une soirée impromptue avec des amis. Leurs choix ne suivent pas un schéma préétabli mais répondent à des scénarios personnels et souvent imprévus.
Si nous voulons réellement comprendre ce qui pousse les consommateurs à agir, il est temps d'abandonner ces portraits figés et de se tourner vers une approche plus dynamique. Plutôt que de sculpter des avatars, il est préférable d’explorer les récits et les contextes qui façonnent leurs décisions. En se souvenant que les gens n’achètent pas des produits, mais des scénarios.
Il est d’ailleurs peut-être temps de se demander si la segmentation est encore un outil pertinent à partir du moment où cela ne permet souvent pas de comprendre et a fortiori de prédire des comportements d’achat. Mais c’est une autre histoire….
Publié le lundi 25 novembre 2024 . 3 min. 13
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de Benoît Heilbrunn
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