En affaires comme en privé, les bons comptes font les bons amis, n’est-ce pas ?
Imaginez cette situation. Deux amis d’enfance décident de s’associer dans un projet entrepreneurial. Chacun apporte 50% des ressources, ainsi que son expertise technique. L’un ajoute sa rigueur managériale, administrative et financière, tandis que l’autre apporte sa volubilité et son sens du commerce hors pair. Tout se passe bien entre eux, jusqu’à ce que survienne un différend concernant la répartition des bénéfices. En effet, pour des raisons fiscales, l’un décide de bloquer la somme maximale pour ne pas changer de tranche d’impôts à titre personnel, alors que l’autre comptait sur une somme plus importante pour se soulager de certaines dettes familiales. Les relations se tendent, et… le pacte d’actionnaire va heureusement permettre à chacun de sortir du projet.
Cette situation pointe du doigt un sujet important en entreprise : travailler avec ses amis.
Mais, pourquoi décider de mener un projet avec un intime ?
La réponse demande déjà de définir ce qu’est l’amitié. C’est une forme d’amour que l’on désigne en grec par « philia », pour la distinguer des autres formes d’amour. Il s’agit d’un lien personnel fort qui concerne des camarades qui sont loyaux entre eux, qui font des sacrifices et qui partagent des émotions. Nous pourrions dire aussi qu’ils ont « combattu ensemble sur un champ de bataille », et qu’ils s’en sont sortis victorieux en se donnant la main. Ainsi, la confiance durable dans l’autre, y compris dans les moments difficiles pour chacun, nourrit la relation d’amitié, qui ne résulte pas d’un emportement sentimental. Ces caractéristiques expliquent pourquoi deux amis peuvent avoir envie d’investir ensemble le champ de bataille du business.
Une nouvelle question apparait alors : comment réussir à mener un tel projet avec un ami ?
Il faut évidemment respecter les pratiques classiques du management pour limiter les risques. Définir clairement le but du projet et l’objectif de chacun, décider de l’organisation du travail, du style de management et de leadership, déterminer le rôle de chacun, et réfléchir aux indicateurs de contrôle de l’activité.
En complément, une réponse plus philosophique peut être tirée de la définition de l’amitié selon Saint Augustin : « L’amitié, c’est cette volonté de procurer du bien à quelqu’un, lui qui est l’objet de notre amour, tandis qu’une volonté identique existe chez lui ». Aussi, il est important de s’assurer de la réciprocité de cette volonté et, j’ajoute, au fil du temps.
Cela amène une dernière question : quand est-ce qu’il faudrait arrêter un projet avec un ami ?
Une des raisons peut être le non-respect des points d’accord concernant les pratiques de management. Avant d’en arriver là, des signaux faibles peuvent nous alerter sur une dérive. Un « warning » doit s’allumer, si, par exemple, il devient difficile, voire impossible, de parler à l’autre, sans risquer de sa part une forme de condescendance ou d’appropriation de ce qui est partagé. Cette alerte peut nous permettre d’éviter qu’un désaccord majeur survienne au point de mettre à mal la relation d’amitié, et le projet.
Pour terminer, n’oublions pas que, avec ou sans projet professionnel, l’amitié implique de partager des activités communes et celles-ci transforment les personnes, tout comme les événements de la vie, tels qu’une naissance, un mariage, un divorce, un décès. Cette forme d’amour reste donc en soi fragile.
Cependant, comme en témoignent l’entreprise Hewlett-Packard (HP) du nom de deux amis, et la marque « Michel et Augustin » rappelant les prénoms des deux fondateurs, l’amitié reste un sacré moteur de créativité et de développement de projet dans le business.
Publié le mercredi 4 septembre 2024 . 4 min. 24
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