Le manager hypocrite : le Tartuffe de l’entreprise

Imaginez Bastien et Thimothée, deux collègues exécutant le même travail, mais dans deux entités distinctes de leur entreprise. Et voilà que Bastien raconte à Thimothée comment le chef de ce dernier s’est récemment gargarisé auprès de la direction générale, du respect des règles de sa propre équipe. Thimothée épuisé par le rigorisme de son chef souffle et exprime à son collègue son stress et ses difficultés à respecter les indicateurs imposés. Et Bastien de s’exprimer avec surprise : « Mais, vos indicateurs sont bien plus stricts que ceux que l’on doit respecter chez nous ! ».

Le manager de Thimothée est ce que l’on peut appeler un « manager hypocrite », qui a pour objectif de paraître plus « royaliste que le roi ». Dit autrement, il surveille uniquement le respect des règles sans tenir compte de l’esprit de ces mêmes règles. Il témoigne d’un attachement si scrupuleux qu’il oublie les personnes qui vivent, voire qui subissent, ces règles. Il en devient inflexible, étroit d’esprit et superficiel dans la raison d’être de sa mission de management.

Pourquoi certains managers agissent de la sorte ?

Trois raisons me viennent à l’esprit.

Tout d’abord, certains veulent montrer à leur entourage professionnel combien ils savent « bien » respecter les règles. Cela témoigne d’un besoin de reconnaissance de la part des autres, pour, peut-être, briguer un poste supérieur dans la hiérarchie.
Ensuite, certains managers peinent à faire confiance aux autres. Ils leur imposent alors un cadre formel si serré que les collaborateurs n’ont pas d’autres choix de le respecter, sous peine de sanction. Ils dirigent par la peur.

Enfin, des managers n’ont pas réellement compris la raison d’être de leur mission et ne gèrent l’activité qu’à travers des indicateurs, qui deviennent la finalité de l’activité et non un moyen pour piloter ladite activité.

Comme Thimothée, les collaborateurs deviennent alors épuisés, démotivés et pis, certains internalisent ce rigorisme et le reproduisent auprès de leurs propres collègues. Tout cela est très délétère pour une entreprise.

Mais, comment faire face à ces managers hypocrites ?

Molière nous donne quelques idées de réponse dans sa pièce nommée « Tartuffe », qui dénonce la fausse dévotion ou l’imposture du personnage central.

Premièrement, Tartuffe rentre dans la famille de Orgon car celui-ci est fasciné par la piété apparente de ce directeur de conscience. Orgon et les siens n’avaient pas vérifié en amont la sincérité et la réalité de sa piété. Ils auraient pu dès lors l’éviter. De la même manière, en entreprise, quand on désigne un responsable d’équipe, prenons le temps de vérifier sa compréhension de la raison d’être du collectif, et observons-le dans ses décisions et sa sincérité.

Deuxièmement, Tartuffe n’est pas continuellement hypocrite. Sa vraie nature se révèle de temps en temps jusqu’au coup de théâtre final, où son hypocrisie est flagrante. En entreprise, que nous apprennent les comportements répétés des managers ? Rappelons-nous que, à partir de deux points, on commence à dessiner une droite. Aussi, n’attendons pas la multitude de points pour repérer l’hypocrisie et l’excès de zèle.

Troisièmement, dans la pièce de théâtre, il y a de nombreux personnages, dont le Roi, et, ensemble, ils vont réussir à mettre hors-jeu Tartuffe. En entreprise, si le collectif peut jouer un rôle de révélateur, la loi est là aussi pour arrêter un manager hypocrite de sévir. Saisissons-la sans tarder en cas de besoin.

Pour conclure, et en s’inspirant des vers de Molière, espérons que ces « Tartuffe » en entreprise puissent corriger leur vie de manager en détestant ce vice qu’est l’hypocrisie, et ainsi ne pas avoir besoin de demander au Prince, d’adoucir sa justice.