Faire ou faire-faire ?
Une vague de fond portée par l’économie des plateformes, les réseaux virtuels et l’intelligence numérique incite les entreprises à plus de flexibilité, à rechercher à l’extérieur les compétences qui leur manquent et à désintégrer les chaînes de valeur pour ne conserver que les compétences-clés. L’outsourcing de pans entiers d’activité fait aujourd’hui parti des options stratégiques majeures d’une firme. Et pourtant, l’externalisation n’est pas sans difficultés et dangers.
Dans la longue liste des inconvénients potentiels liés à l’externalisation d’une activité, nous insisterons ici sur quelques risques majeurs.
Il nous faut ainsi évoquer :
• la perte de compétences internes qui peut s’avérer pénalisante au fil du temps ;
• la dépendance qui peut s’instaurer vis-à-vis des prestataires, surtout si ces derniers se rendent incontournables, en maîtrisant une technologie-clé par exemple ;
• évoquons aussi les risques de dégradation de la qualité lorsque le prestataire ou sous-traitant n’est pas confronté au marché final ;
• la perte d’informations sur le process de production et la formation des coûts par exemple ;
• notons aussi la déconnexion entre les partenaires externes et les fonctions internes qui peut provoquer des difficultés de communication ou des pertes de synergies ;
• n’oublions pas enfin les dangers liés à l’irréversibilité d’une décision d’outsourcing qui concernerait des maillons de chaîne de valeur stratégiques pour l’entreprise donneuse d’ordre.
Faire ou faire-faire ? Les théoriciens de l’économie se sont bien sûr penchés sur cette question aujourd’hui brûlante d’actualité. Pour le courant économique dominant, les relations de marché apparaissent comme les plus efficaces. Dans ce cas, pourquoi existe-t-il des entreprises ? Pourquoi en effet intégrer des activités en lieu et place de simples relations de marché ? C’est l’économiste Ronald Coase qui dès 1937 s’est posée la question dans son article « The Nature of the Firm » et qui lui a valu un demi-siècle plus tard un prix Nobel. Un sujet repris ensuite par le courant institutionnaliste, notamment dans sa réflexion sur les coûts de transaction. On citera en particulier Oliver Williamson, prix Nobel d’économie 2009, et dont les travaux concernent directement les stratégies d’externalisation.
En réalité, selon Williamson, de nombreux coûts cachés se dissimulent dans une relation de sous-traitance. Sans être exhaustif, on peut évoquer ici :
• les coûts de contractualisation et de supervision des contrats ;
• les coûts, souvent sous-estimés, liés au pilotage et au contrôle du prestataire ;
• on ne peut pas oublier non plus les coûts de sortie de la relation avec le prestataire, surtout s’il s’est progressivement rendu incontournable ;
• l’attention doit être également attirée sur les conflits d’intérêts qui peuvent éclater entre l’entreprise et le prestataire ;
• selon Williamson, les fournisseurs peuvent également faire preuve d’opportunisme et faire peser un risque de hold-up en raison de l’incomplétude des contrats et des asymétries d’information. En d’autres termes, ils peuvent tirer avantage de la situation en dégradant la qualité de la prestation, en réduisant les volumes produits ou encore en relevant leurs tarifs s’ils sont en position de force.
On l’aura compris, malgré la baisse spectaculaire du coût de l’information, l’externalisation n’est pas une stratégie gagnante à coup sûr. Mais force est de constater qu’elle est devenue un élément central des business models contemporains, avec nombre d’entreprises qui cherchent à externaliser au maximum les coûts variables, à établir avec des sous-traitants des relations de marché, et à se concentrer sur la conception et le pilotage de la chaîne de valeur. Pour autant les progrès spectaculaires des process de robotisation et d’automatisation vont poser en termes nouveaux cette question de l’alternative entre internaliser et externaliser, entre faire et faire-faire.
Publié le mardi 20 février 2018 . 4 min. 45
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