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L’histoire économique est constellée de flops commerciaux. En vérité, 80% des innovations sont des échecs. La voiture autonome va-t-elle ainsi connaître un sort similaire à celui des sous-vêtements jetables Bic ou des Google Glass ?


La logique de ces échecs est bien connue : les innovateurs ou entrepreneurs croient dur comme fer à la supériorité de leur technologie. Mais leurs convictions se fracassent en général sur l’irrationalité des clients qui ne demandent finalement qu’à être séduits et non pas à être convaincus de la sur-performance de ces innovations.


Pour l'instant rien n'est joué pour la voiture autonome, et un scénario se dessine pour les industriels de ce secteur. Avant de voir comment elle pourrait s’imposer, faisons un petit détour théorique par les mécanismes de diffusion des innovations.


Cette diffusion se fait en général suivant une courbe en cloche sur laquelle on identifie cinq grands types d’utilisateurs. Les « innovateurs » en phase d’émergence, très peu nombreux, les early adopters au début de la phase de croissance, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires. Le passage des early adopters à la majorité précoce est à haut risque pour les industriels, car les mécanismes de diffusion de l’innovation sont radicalement différents. On passe en effet d’une logique techno-push où la technologie « crée » ses propres débouchés, à une logique demand-pull où l’entreprise doit prendre en compte les attentes de clients devenus plus conservateurs. Pour passer ce verrou, l’entreprise devra faire des choix en matière de positionnement, adapter son produit, ajuster sa chaîne de valeur ou recourir à des ressources et des compétences nouvelles.


Vous l’aurez compris, tout l’enjeu pour les industriels de la voiture autonome consiste à s’appuyer sur le pouvoir de prescription des early adopters pour ensuite évangéliser le marché de masse, celui des particuliers. Des particuliers qui pour le moment ne se disent pas prêt à laisser le volant à une intelligence artificielle. Le coût d’acquisition sera sans doute aussi dissuasif. Selon les experts de Xerfi, la clientèle professionnelle pourrait alors tenir ce rôle d’early adopter. J’entends par-là les gestionnaires de flottes d’entreprises, les loueurs de véhicules ou encore les spécialistes des services de mobilité à l’instar des plateformes de VTC comme Uber qui investit déjà dans la voiture autonome. Des acteurs qui présentent une forte disposition à payer, mais seulement si le ticket d’entrée est susceptible d’être rentabilisé.


Pour y parvenir, les professionnels pourront s’appuyer sur deux solides atouts. D’abord leur capacité à massifier leurs achats pour diminuer le coût d’acquisition moyen du véhicule. Ensuite leur capacité à abaisser leurs coûts d’exploitation. Je m’explique. Dans le cadre de leur activité, les loueurs ou plateformes de VTC par exemple utilisent les véhicules de manière beaucoup plus intensive que les particuliers. À la clé, un coût d’usage bien inférieur, sans oublier une réduction des primes d’assurance et des coûts d’entretien liée à la baisse du nombre d’accidents promise par ces véhicules. N’oublions pas enfin que la délégation totale de la conduite aura un impact majeur sur la structure de coûts des services de VTC ou de transport urbain, dans la mesure où les emplois de chauffeurs disparaissent.


Finalement, pour convertir le marché de masse, celui des particuliers, les industriels de la voiture 100% autonome peuvent donc faire le choix de miser sur le marché professionnel qui constitue la cible indispensable au déploiement à grande échelle de cette technologie. Un scénario qui vous l’aurez compris repose essentiellement sur la dimension économique. De fait, d’autres variables apparaissent tout aussi capitales, comme le volontarisme politique ou encore la capacité des constructeurs auto, des équipementiers et des acteurs du digital à coopérer.


Publié le jeudi 22 février 2018 . 4 min. 40

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