Certaines marques ont connu un succès tel qu’elles sont devenues un nom commun. C’est le cas de Caddie, mis en liquidation en juillet 2024, mais aussi de Tupperware, lui aussi en faillite, Frigidaire, Bic, Sopalin, Kleenex, ou Boules Quiès… Toutes ces marques ont subi, à leur corps défendant pourrait-on dire, ce phénomène d’assimilation qu’on appelle antonomase.
On pourrait croire que devenir un nom commun est synonyme de réussite absolue. C’est vrai… mais pas pour toujours. Ce peut être aussi le début de la fin. Dans un premier temps, ce succès est une bonne chose : il signifie que votre innovation – c’est forcément d’une innovation, sinon le produit porterait déjà un nom - a tellement de succès qu’on n’imagine pas d’autre fabricant. Il n’y en a pas, d’ailleurs, tant que le brevet, si l’invention se matérialise par un brevet, n’est pas tombé dans le domaine public, ce qui pour Tupperware a duré jusque dans les années 80. Mais lorsque l’innovation n’est plus protégée, les imitateurs à moindre coût se multiplient, et comme votre marque « générique » n’a pas d’image propre, rien ne pousse à la choisir plutôt qu’une autre.
Le cas Tupperware est emblématique. Le nom est doublement générique : il désigne à la fois le produit, les boites en plastique hermétiques qu’on utilise pour conserver les plats, mais aussi le mode de distribution, la vente à domicile par le biais de réunions chez un particulier. Parce que ces boites (à l’époque) si modernes et si sophistiquées inventées par M. Tupper se vendaient mal dans les magasins, une femme, Brownie Wise, avait eu l’idée de les commercialiser par le biais de réunions d’amies et de voisines, ce qui permettait d’expliquer le fonctionnement du séparateur d’œufs ou du moule à glaçon unique, et tous les avantages comparatifs de ces boites. Brownie Wise, devenue vice-présidente de Tupperware, fut d’ailleurs la première femme à faire la Une du magazine Business Week en 1954.
En septembre 2024, Tupperware, très endetté, s’est mis sous la protection du Chapter 11, la loi sur les faillites. Ses ventes ont été divisées par deux en dix ans, descendant à 1,3 milliard de dollars en 2022. La marque est désuète, le plastique a mauvaise presse, et elle évoque pour les jeunes actifs les ustensiles de leurs grand-mères. Pourtant, elle vend en ligne, elle a créé des produits adaptés au micro-ondes ou au congélateur, et même des sortes de robots, mais alors qu’elle aurait pu affirmer une vraie raison d’être – devenir le héraut du recyclage, de la lutte contre le gaspillage, de la défense de l’environnement -, elle s’est banalisée. Seules quelques démonstratrices ont encore du succès parce qu’elles ont transformé les réunions à domicile en « ateliers culinaires ».
Caddie, lui, a disparu à l’été 2024. La marque emblématique n’a pas survécu au foisonnement de la concurrence. Elle avait pourtant trouvé une manière originale de gagner de l’argent : elle faisait des procès aux journaux qui dans leurs articles utilisaient le mot « caddie » pour désigner un simple chariot de supermarché…
Mais l’avantage d’un nom puissant, c’est qu’il ne meurt jamais. Prenez Frigidaire. On le croyait mort et enterré depuis longtemps. La marque qui a fabriqué les premiers réfrigérateurs est désormais apposée sur des frigos miniatures, colorés, très design. Bic, Sopalin, Kleenex ou Boules Quiès mais aussi Scotch ou Ti-pex existent toujours eux aussi, et prospèrent. Parce qu’ils ont su se différencier, ne pas se reposer sur leurs lauriers, au lieu de se lamenter en voyant leurs clients passer par confusion à la concurrence…
La leçon de cette histoire ? C’est que le destin d’une marque devenue un nom commun n’est pas forcément de perdre son leadership dès que le marché devient concurrentiel. Elle peut trouver des manières de se différencier, et garder son avance grâce à l’innovation. Pour rester ainsi « la » référence du marché, l’original… à défaut d’être l’unique.
Publié le vendredi 10 janvier 2025 . 4 min. 10
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