L’erreur n’est pas seulement humaine. Elle est indispensable à l’humanité pour avancer. « Si vous n’avez jamais échoué, c’est que vous n’avez jamais rien tenté », répète-t-on à l’envi dans la Silicon Valley, en paraphrasant la maxime de Benjamin Franklin : « Il y a bien des manières de ne PAS réussir, mais la plus sûre est de ne pas prendre de risques ». Quand les dirigeants de la Tech reçoivent un candidat à un poste de direction, ils lui demandent toujours, en fin d’entretien, de parler de ses échecs. Et s’il répond, comme les Français ont appris à le faire : « Ma première chute à bicyclette » ! ce ne sera pas un bon point pour lui. Mieux vaut avoir un plantage sérieux à raconter, et surtout pouvoir expliquer les leçons qu’on en a tirées.
Beaucoup d’entreprises sont mortes ou ont failli mourir d’avoir refusé la notion même d’échec. La Nasa, par exemple, avait pour devise : « Failure is not an option » (l’échec n’est pas une option). C’était sa culture d’entreprise. L’explosion de la navette Challenger après 57 secondes de vol en janvier 1986, avec la mort des 7 astronautes en direct et parmi eux, une jeune institutrice dont toute la classe était venue assister joyeusement au décollage à Cap Canaveral, a traumatisé l’Amérique et fait entrer la Nasa dans deux décennies d’ère glaciaire. Ce sont maintenant des entrepreneurs privés, Elon Musk en tête, qui portent le risque financier et psychologique de la fabrication des fusées. Et Elon Musk ne se prive pas d’afficher comme slogan « Failure IS an option ». Chez lui, l’échec est même plus qu’une option, c’est une manière de progresser plus vite*.
Pour qu’une entreprise se développe rapidement, pour qu’elle innove, il faut que ses salariés osent prendre des risques, donc que ses dirigeants dédramatisent les échecs. Il ne s’agit évidemment pas d’ignorer les fautes, ou les bévues répétées, et de ne pas les sanctionner, mais de tirer parti des erreurs pour apprendre collectivement et rebondir plus haut. Mais comment dédramatiser les échecs ? La jeune Pdg d’une entreprise de mécanique d’Evreux a par exemple décidé que tous les lundis, son comité de direction s’ouvrirait par « le ratage de la semaine ». Chacun de ses proches collaborateurs est invité à raconter le client perdu, le recrutement raté, etc. Et elle commence la première. Puis elle ouvre la discussion sur les mesures à prendre pour éviter que cela se renouvelle. Ce mini-brainstorming fait souvent jaillir des idées intéressantes au-delà du problème initial. Dans son codir, ceux qui n’ont jamais d’échec à raconter ne sont pas les mieux vus. Car ces discussions autour des dysfonctionnements sont source de progrès.
La leçon de cette histoire, c’est que pour dédramatiser les erreurs et les échecs, il faut d’emblée les poser comme banals. On se souvient de Barack Obama avouant « I screwed up » (j’ai foiré) pour s’excuser de la nomination d’un secrétaire d’Etat qui n’avait pas payé ses impôts. Ou d’Angela Merkel demandant pardon au peuple allemand pour avoir voulu mettre le pays sous cloche au moment du covid. Reconnaître qu’ils peuvent se tromper n’est malheureusement pas une spécialité des dirigeants français.
C’est dommage, car poser l’erreur comme banale a un autre avantage : pouvoir changer d’orientation à tout moment sans provoquer de crise grave.
Publié le jeudi 11 juillet 2024 . 3 min. 25
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