Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est un champion du mea culpa. Il faut dire qu’il a commencé tôt. En 2003, à Harvard, il crée Facemash et met en ligne les photos de toutes les étudiantes pour établir un classement des filles les plus sexy du campus en faisant voter les étudiants. C’était avant le wokisme. Le site recense un million d’utilisateurs, l’université exige sa fermeture et Zuck présente des excuses publiques pour éviter d’être renvoyé.
En 2007, Facebook existe depuis 3 ans, il ajoute le service Beacon qui permet de voir les achats que les utilisateurs ont faits en ligne. Vos amis découvrent sur votre page Facebook que vous vous êtes offert des baskets Nike hors de prix ou que vous avez vu Rocky IV pour la 5ème fois. L’outil est très efficace pour le ciblage publicitaire, mais les membres sont furieux de cette violation de leur vie privée. Zuckerberg fait volte-face et bat sa coulpe : « Je m’excuse. Je ne suis pas fier, je sais que nous pouvons mieux faire. » Mais en 2010, une nouvelle fonction, Facebook Connect, permet quasiment le même suivi sans provoquer de tollé, comme si les gens s’habituaient à ce qu’on sache tout d’eux.
Les violations se poursuivent inexorablement puisque profiler les utilisateurs de manière très fine permet d’augmenter le chiffre d’affaires. Zuckerberg se fait réprimander par le gendarme des télécoms américain. Il s’excuse publiquement, promet de s’amender, et continue. L’affaire Cambridge Analytica marque les esprits : Facebook autorise un chercheur, Aleksandr Kogan, à siphonner 80 millions de comptes sur la plateforme, pour une soi-disant étude universitaire. Les données sont en fait destinées à aider le comité de campagne de Donald Trump ; des millions d’électeurs recevront des messages personnalisés pour orienter leur vote. Cambridge Analytica va aussi convaincre des milliers de Britanniques de voter pour le Brexit. Zuckerberg fait des excuses mondiales, la main sur le coeur. Mais une nouvelle fuite de données se produit six mois plus tard.
Son dernier mea culpa en date a lieu devant le Congrès le 31 janvier 2024. Il admet sa responsabilité dans les abus sexuels dont des enfants ont été victimes parce qu’il n’y a pas assez de modération sur Facebook. « Vous avez du sang sur les mains », lui lance un sénateur. Il présente alors ses excuses aux familles de victimes d’un air contrit : « Je suis désolé pour tout ce que vous avez vécu ».
Si « Zuck » se maintient après toutes ces fautes, c’est que sa stratégie du profil bas est efficace. Total serait sûrement plus populaire aujourd’hui si, il y a 25 ans, lors du naufrage de l’Erika et ses 400 tonnes de pétrole déversées sur les côtes bretonnes, son patron Thierry Desmarets avait présenté des excuses immédiates et fait preuve d’empathie vis-à-vis des Bretons et des oiseaux mazoutés, au lieu de vouloir se justifier.
Deux chercheuses en psychologie, Brinke & Adams, expliquent dans une étude publiée dans Science que lorsqu'un dirigeant s'excuse, il faut qu'il ait l'air triste pour que cela fonctionne. Elles ont visionné une trentaine de vidéos où des patrons suivent la bonne procédure (c.a.d qu’ils disent explicitement «je suis désolé », offrent un dédommagement, expliquent leur erreur, assument la responsabilité et promettent que cela ne se reproduira pas). Sans le son, seconde par seconde, elles ont analysé les expressions de leurs visages grâce à un logiciel de reconnaissance faciale. Résultat : les entreprises dont les dirigeants s'excusent en souriant voient leur valeur boursière chuter. Pour ceux qui ont l'air sincèrement désolé, le cours ne baisse pas mais n'augmente pas non plus... à court terme. A moyen terme, il peut progresser. Autrement dit, et c’est la leçon de cette histoire, qu’il s’agisse de pertes financières ou d’une bactérie dans une pizza, le dirigeant doit paraître ému et avoir les larmes aux yeux s’il veut renforcer la confiance des investisseurs.
Publié le mercredi 26 juin 2024 . 4 min. 19
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