Avec la mondialisation, on a longtemps cru que le consommateur se mondialiserait, au sens où les citoyens de tous les pays achèteraient les mêmes vêtements, les mêmes voitures ou les mêmes produits de beauté. Mais la mondialisation est celle des échanges : on produit en Chine ce qu’on consomme en Europe, et on fabrique en Allemagne les machines-outils utilisées en Chine. Cette mondialisation n’est pas – ou n’est qu’en partie – celle des consommateurs. En fait, tout dépend des secteurs.
La musique paraît ainsi très mondialisée : Beyoncé, Lady Gaga ou les Daft Punks sont appréciés par tous les millenials du monde. Mais il y a parfois des bugs. Vous vous souviendrez peut-être du Gangnam Style, le tube entêtant du Sud-Coréen Psy, qui a été jusqu’en 2017 le clip le plus visionné de l’histoire de You Tube, avec plus d’un milliard de vues ! Et bien les Japonais, les premiers supporters de la K-pop, y restaient insensibles. Pourquoi ? Parce que Psy n’avait pas fait l’effort de réenregistrer sa chanson en japonais, alors que les artistes sud-coréens le font toujours.
C’est la même chose pour les films : on sait que les très gros succès français, comme Intouchables ou Trois hommes et un couffin, ont du faire un remake avec d’autres acteurs et d’autres dialogues pour être appréciés par le public américain. Il ne rit pas des mêmes choses.
Si le luxe et la mode haut de gamme – des produits LVMH aux doudounes NorthFace – passent les frontières quasiment sans adaptation, ce n’est pas évident pour les yaourts ou les voitures. Renault ne vend toujours pas aux Etats-Unis à cause des déboires qu’il a connus dans les années 60. La marque n’hésitait pas alors à baptiser « export » un véhicule au chauffage amélioré et avait voulu y exporter sa Dauphine. En 1959, 117.000 voitures sont vendues : un triomphe. Mais en 1960, les ventes s’effondrent. Car la Dauphine ne résiste pas aux conditions d’utilisation locales. Contrairement aux Français, les Yankees brutalisent leur mécanique, ils laissent fonctionner les phares et les essuie-glaces à l’arrêt, ils martyrisent les embrayages... En ville le soir, ils roulent en codes et non en veilleuses ; mais comme la vitesse est limitée dans les rues à 25 mph, les dynamos ne produisent pas assez d’énergie et les batteries, sous-dimensionnées, se déchargent. Sans complexes, Renault va alors envoyer une lettre à chaque client pour lui expliquer, schémas à l’appui, comment conduire sa voiture en hiver...
A la même époque, il tente aussi d’exporter l’Estafette. Mais elle passe pour un danger public aux yeux des Américains. A vide, en cas de freinage énergique, les roues arrière décollent du sol de vingt centimètres. Et une fois chargé, la fourgonnette n’a pas un moteur assez puissant pour atteindre la vitesse minimale de 60 mph imposée sur les autoroutes ! Certains Etats vont carrément l’interdire. Entre un véhicule qui ne pouvait pas rouler assez doucement en zone urbaine et un autre qui ne pouvait pas rouler assez vite en dehors, Renault a plié bagage sous les huées.
Mais les Américains en France ont eu tout aussi tort de se croire en territoire conquis. Les concepteurs de DisneyLand avaient cru ainsi que les visiteurs français mangeraient à toute heure, debout, comme eux. Et l’amplitude horaire des restaurants assis allait de 11 h 30 à 15 heures. Sauf que les Français se précipitaient tous à table entre 12h30 et 13h30….
Il y a des exceptions : les articles basiques de création récente (gel douche, mouchoirs jetables, couches-culottes) fonctionnent partout, et d’autres produits ne demandent que des aménagements mineurs : McDo ne change pas son concept à l’étranger, mais l’adapte, si nécessaire, aux goûts locaux.
La leçon de cette histoire, c’est qu’aucune généralisation n’est possible. Les entreprises ont souvent affaire à un consommateur « partiellement global », « mondial » pour certains produits et « régional » pour d’autres. Saint-Gobain ou Walmart ont donc pris pour bannière le fameux slogan : « Think local, act global ». Ils évitent ainsi les plus grosses erreurs.
Publié le mardi 17 septembre 2024 . 4 min. 20
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de Christine Kerdellant
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