Les corsaires reviennent à la mode. Je ne parle pas des pantalons courts pour l’été mais des collègues de Surcouf ou Jean Bart. En février, Tim Burchett, sénateur républicain du Tennessee, a déposé un projet de loi afin d’autoriser le Président Trump à avoir recours à des corsaires pour éradiquer les cartels de la drogue mexicains. Le texte lui permettait d’émettre des « lettres de marque et de représailles » contre eux, c’est-à-dire de sous-traiter à des personnes privées ou des entreprises de services de sécurité et de défense, la capture, l’élimination ou la saisie des biens des barons de la drogue à l’étranger.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l’administration Bush avait déjà voulu faire voter une loi pour autoriser le Département d’État à octroyer, sans attendre l’aval du Congrès, des lettres de marque pour faire la chasse aux terroristes. En 2008, le Congrès avait aussi voulu mandater une société privée pour s’attaquer aux pirates somaliens au large de la côte est de l’Afrique. Mais ces textes, légaux aux US, n’ont jamais été votés.
Il faut bien comprendre la différence entre les corsaires et les pirates : les corsaires sont mandatés par un pouvoir politique – grâce à cette fameuse « lettre de marque et de représailles », alors que les pirates agissent en dehors de tout cadre légal et peuvent finir pendus. En temps de guerre, les corsaires qui pillaient les navires partageaient le butin avec l'Etat. C’est pourquoi certains d’entre eux sont devenus de véritables héros nationaux.
Quand on entend les déclarations de Donald Trump, on peut se demander si le XXIème siècle n’est pas, de toute façon, en passe de remettre ces agissements à la mode : sa volonté de s’emparer du Groenland, son avidité pour les richesses du sous-sol ukrainien, ses taxes douanières confiscatoires… C’est en tout cas le parallèle qu’ose Jean-Marc Vittori dans Les Echos, qui précise que s’il n'est pas question ici de mettre la main sur des navires pour vendre leur cargaison - du moins pour le moment – on revient bien au temps de la rapine occasionnelle. On pourrait aussi citer les milliardaires du numérique, qui pillent allègrement nos données, ou Musk qui fait main basse sur l’espace avec ses satellites. Comme au temps des corsaires, on mêle intérêt public et intérêts privés, politique et économie.
Cette logique de prédation révèle une vision du monde économique : ce que l'historien Arnaud Orain appelle le « capitalisme de la finitude ». Dans le monde des corsaires du 18ème siècle, les ressources étaient disponibles en quantités limitées. Ce que l'un gagnait, l'autre le perdait. Donald Trump et ses conseillers sont persuadés que les Etats-Unis ont beaucoup donné au reste du monde, qu’ils doivent maintenant récupérer leur dû. C’est un retour en arrière majeur. Car depuis deux siècles, notre représentation du monde était bien différente : le monde était infini et les échanges entre pays étaient un jeu gagnant-gagnant. Mais l’idée de la planète qui s’épuise a balayé cette idée. On se bat désormais pour des ressources limitées. D’où le retour des prédateurs.
Publié le lundi 12 mai 2025 . 3 min. 17
Les dernières vidéos
Économie mondiale



Les dernières vidéos
de Christine Kerdellant



LES + RÉCENTES

LES INCONTOURNABLES


