L'IA , une révolution des compétences

L’IA est déjà perçue comme un facteur de transformation des compétences. Certains, pessimistes, la voient comme une menace pour l’emploi. Certes, comme toute innovation, elle supprimera des postes, mais souvenons-nous des discours alarmistes sur l’informatisation et la digitalisation, qui ne se sont pas concrétisés. Trop souvent, on néglige l’impact majeur des nouvelles technologies : la création de nouveaux métiers. Le monde du travail n’est pas un gâteau fixe, mais un gâteau évolutif, généralement en croissance.

Toute entreprise doit cartographier les métiers impactés. Certains disparaîtront si l’IA peut les remplacer efficacement et sans assistance. Ces situations, bien que moins nombreuses qu’on le pense, doivent être identifiées rapidement pour anticiper une transition socialement acceptable.

D’autres professions verront leurs compétences augmentées. C’est le cas des radiologues, qui bénéficieront d’une assistance dans leurs diagnostics, leur permettant de traiter plus de patients avec une meilleure précision. C’est aussi le cas de ceux qui peinent à rédiger, mais possèdent un savoir-faire pertinent en amont : l’IA leur offre un soutien qui améliore leur efficacité.
Certains professionnels joueront un rôle clé en contribuant à l’augmentation des autres via l’IA. Dans les centres d’appel, les meilleures pratiques des opérateurs les plus performants pourront être intégrées dans des algorithmes et diffusées aux autres. L’IA devient alors un levier de développement des compétences en facilitant l’accès à l’expérience des meilleurs.

Ne négligeons pas ceux qui seront « augmentés » sans être remplacés. Les créatifs et prospectivistes resteront essentiels, car l’IA, contrairement aux idées reçues, ne crée rien et ne prévoit rien : elle se base sur l’existant. Écrivains, stratèges, économistes, innovateurs et géopoliticiens pourront s’appuyer sur elle, mais conserveront leur rôle central.

L’enjeu ne se limite pas aux compétences individuelles : il touche aussi aux décisions organisationnelles. Si un système d’IA assiste la prise de décision, jusqu’où peut-il se substituer à l’humain ? Et si cela arrive, qui portera la responsabilité ? L’IA elle-même ou l’humain chargé de valider la décision qu’elle suggère ?

Les implications sont majeures dans la banque (un prêt doit-il être refusé si l’IA le recommande ?), l’assurance (peut-on confier l’évaluation des risques à un algorithme ?) ou le recrutement (et si l’IA rejetait un futur dirigeant brillant en se basant sur des critères biaisés ?).

Faire aveuglément confiance à l’IA serait une faute morale et stratégique. Elle est toujours approximative, influencée par ses bases de données et ses algorithmes. L’erreur humaine, bien que possible, fait partie de la force des organisations, tout comme les fulgurances qu’aucune IA ne peut produire. L’IA, elle, ne peut avoir que des hallucinations.

La question centrale devient alors : quelle liberté accorder aux humains face aux recommandations de l’IA ? La hiérarchie acceptera-t-elle qu’un collaborateur suive son intuition contre l’IA ? Et en cas d’échec, dira-t-elle « il fallait suivre l’IA » ou « l’erreur fait partie de notre modèle humain » ?

Dans le premier cas, c’est une abdication morale. Dans le second, l’organisation reste humaine.