Avez-vous remarqué comment, en quelques mois, l’utopie a changé de sens ?
L’ancienne utopie, bien que fondée sur une dystopie, était celle des écologistes des années 70 aux années 2020. Elle affirmait que nous pouvions sauver le monde en le rendant plus bio, plus respirable, plus décarboné. Il s’agissait de changer le monde ou, à tout le moins, d’arrêter de le laisser se dégrader. Mais peu à peu, l’objectif est passé de « stopper l’effondrement environnemental » à « s’adapter » à lui. Un nouveau cap vient d’être franchi : la nouvelle utopie est de croire que nous pouvons revenir au monde d’avant. Comme si « drill drill drill », le slogan de Donald Trump prônant l’extraction accrue d’énergies fossiles, n’allait pas aggraver un réchauffement climatique aux effets dévastateurs. Comme si encourager le plastique à outrance n’allait pas empoisonner encore davantage nos mers et nos littoraux.
En supprimant des pages internet contenant des données scientifiques sur l’effondrement environnemental ou la nécessité de diversité dans nos sociétés, on espère faire disparaître les problèmes, comme on croyait autrefois les annihiler en brûlant des livres. Comme si l’usage persistant de PFAS et de pesticides dangereux n’allait pas déclencher des scandales sanitaires d’ampleur comparable à celui de l’amiante, rendant notre alimentation et notre eau toxiques. Cette utopie inversée est mortifère : les évidences deviennent absurdes pour certains.
Nous entrons dans l’hiver de l’ESG, comme il y eut un hiver de l’IA. À la différence près que, pour l’IA, ce fut une pause, alors que pour l’environnement, il s’agit d’un recul, alors même que nous fonçons droit vers un mur.
Peut-on espérer que la raison l’emporte ? Difficile à dire. Ces discours suicidaires ne le sont que pour ceux qui perçoivent les impacts à long terme. À court terme, il est plus simple de privilégier la fin du mois à la fin du monde. Pourtant, plusieurs raisons permettent de croire qu’il faut continuer à se battre.
D’abord, les catastrophes à venir. Il ne sera pas toujours possible d’en accuser des boucs émissaires. L’impact environnemental frappera de plein fouet et exigera des réponses sociales et écologiques majeures.
Ensuite, de réels changements sont en cours : l’essor de l’automobile électrique, autrefois timide, s’accélère, certaines nations s’y engagent résolument. Les énergies renouvelables deviennent plus compétitives que les fossiles. De plus en plus de citoyens, bien au-delà des jeunes générations, réclament des conditions de vie plus saines, une alimentation de qualité, des ressources en eau préservées.
Terminons sur deux citations. D’abord Camus, en 1957 : « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande : empêcher que le monde ne se défasse. »
Puis Keynes, dans les années 1930 : « Presque toute la sagesse de nos hommes d’État a été fondée sur des présupposés vrais autrefois, ou en partie vrais, et qui le sont chaque jour un peu moins. Nous devons inventer une nouvelle sagesse pour une nouvelle époque. Et en même temps, si nous voulons reconstruire quelque chose de bien, nous allons devoir apparaître hérétiques, inopportuns, dangereux et désobéissants aux yeux de tous ceux qui nous ont précédés. »
Reconstruire une utopie vivable : un beau programme !
L’ancienne utopie, bien que fondée sur une dystopie, était celle des écologistes des années 70 aux années 2020. Elle affirmait que nous pouvions sauver le monde en le rendant plus bio, plus respirable, plus décarboné. Il s’agissait de changer le monde ou, à tout le moins, d’arrêter de le laisser se dégrader. Mais peu à peu, l’objectif est passé de « stopper l’effondrement environnemental » à « s’adapter » à lui. Un nouveau cap vient d’être franchi : la nouvelle utopie est de croire que nous pouvons revenir au monde d’avant. Comme si « drill drill drill », le slogan de Donald Trump prônant l’extraction accrue d’énergies fossiles, n’allait pas aggraver un réchauffement climatique aux effets dévastateurs. Comme si encourager le plastique à outrance n’allait pas empoisonner encore davantage nos mers et nos littoraux.
En supprimant des pages internet contenant des données scientifiques sur l’effondrement environnemental ou la nécessité de diversité dans nos sociétés, on espère faire disparaître les problèmes, comme on croyait autrefois les annihiler en brûlant des livres. Comme si l’usage persistant de PFAS et de pesticides dangereux n’allait pas déclencher des scandales sanitaires d’ampleur comparable à celui de l’amiante, rendant notre alimentation et notre eau toxiques. Cette utopie inversée est mortifère : les évidences deviennent absurdes pour certains.
Nous entrons dans l’hiver de l’ESG, comme il y eut un hiver de l’IA. À la différence près que, pour l’IA, ce fut une pause, alors que pour l’environnement, il s’agit d’un recul, alors même que nous fonçons droit vers un mur.
Peut-on espérer que la raison l’emporte ? Difficile à dire. Ces discours suicidaires ne le sont que pour ceux qui perçoivent les impacts à long terme. À court terme, il est plus simple de privilégier la fin du mois à la fin du monde. Pourtant, plusieurs raisons permettent de croire qu’il faut continuer à se battre.
D’abord, les catastrophes à venir. Il ne sera pas toujours possible d’en accuser des boucs émissaires. L’impact environnemental frappera de plein fouet et exigera des réponses sociales et écologiques majeures.
Ensuite, de réels changements sont en cours : l’essor de l’automobile électrique, autrefois timide, s’accélère, certaines nations s’y engagent résolument. Les énergies renouvelables deviennent plus compétitives que les fossiles. De plus en plus de citoyens, bien au-delà des jeunes générations, réclament des conditions de vie plus saines, une alimentation de qualité, des ressources en eau préservées.
Terminons sur deux citations. D’abord Camus, en 1957 : « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande : empêcher que le monde ne se défasse. »
Puis Keynes, dans les années 1930 : « Presque toute la sagesse de nos hommes d’État a été fondée sur des présupposés vrais autrefois, ou en partie vrais, et qui le sont chaque jour un peu moins. Nous devons inventer une nouvelle sagesse pour une nouvelle époque. Et en même temps, si nous voulons reconstruire quelque chose de bien, nous allons devoir apparaître hérétiques, inopportuns, dangereux et désobéissants aux yeux de tous ceux qui nous ont précédés. »
Reconstruire une utopie vivable : un beau programme !
Publié le mercredi 23 avril 2025 . 3 min. 57
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