La prospective revient à la mode. Cet art, qui précède la stratégie, a connu un hiver, tout comme la stratégie elle-même. Leur point commun : elles exigent du temps, de la distance, de l'imagination, de la provocation, rendant leur exercice difficilement conciliable avec des fonctions opérationnelles.
Henri Bergson disait : « Sur dix erreurs politiques, il y en a neuf qui consistent à croire encore vrai ce qui a cessé de l'être. Mais la dixième, qui pourra être la plus grave, sera de ne plus croire vrai ce qui l'est pourtant encore ». La prospective sert justement à éviter de projeter le passé dans le futur ou de croire que tout a changé. Elle distingue les forces en présence.
La Société française de prospective et l'institut Futuribles connaissent un regain d'intérêt. De nombreux nouveaux membres cherchent à mieux comprendre un monde perçu comme de plus en plus complexe, où les événements se succèdent avec brutalité et rapidité. L'IA, les réseaux sociaux, les biotechnologies, les neurosciences déconcertent par leur impact. La géopolitique bouleverse les alliances. La démographie réserve des surprises. La sociologie révèle des tensions sous-jacentes. La vérité elle-même devient difficile à discerner du mensonge. Comme le disait un ami banquier : « La lande est sèche, elle peut s’enflammer partout, mais nul ne sait d’où va partir l'étincelle ». Il parlait de crise financière, mais cela s’applique à l'ensemble de notre écosystème. La prospective devient donc une approche salutaire pour anticiper un éventuel ordre nouveau.
Si elle n'est pas une boule de cristal, la prospective offre aux entreprises des clés de survie et des stratégies gagnantes. Elle rappelle d'abord l'utilité des scénarios, y compris les plus absurdes ou extrêmes, à l’image de ceux développés par la Red Team du ministère des Armées.
Ensuite, elle met en lumière la nécessité du pivot, bien connue des start-up, mais applicable à tous. Les constructeurs automobiles l'ont compris, les agriculteurs pas assez. Pivoter stratégiquement exige une réflexion prospective. Ce pivot ne se limite pas à la technologie ou à la production ; il concerne aussi les évolutions géopolitiques, sociales, climatiques et réglementaires.
Enfin, elle invite à sortir d’un capitalisme financiarisé à l’extrême, où les KPI étaient essentiellement financiers et précis à la virgule près. Dans un environnement mouvant, ces indicateurs doivent évoluer pour mieux informer des publics plus variés, notamment les parties prenantes. La CSRD en est un exemple. Ces nouveaux KPI devront être inventés et acceptés, même s’ils ne seront ni aussi exacts ni rigoureux que les KPI financiers. Ils auront un impact sur le partage de la valeur, intégrant enfin les externalités et les attentes sociétales et environnementales – pour de bon, et non en simple greenwashing.
La prospective devient une pièce essentielle pour poser les bonnes questions et rechercher de meilleures réponses.
Publié le mardi 18 mars 2025 . 3 min. 34
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de Dominique Turcq



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