Les étapes clés d’un basculement en Scop

Les Scop cristallisent l’attention de nombreux acteurs car elles offrent des alternatives aux formes de gouvernance actionnariales dominantes et des solutions aux fermetures d’établissements. Les enjeux auxquels les Scop sont confrontées ont donc été historiquement bien documentés. En revanche, peu de travaux se sont intéressés au processus qui conduit les salariés à racheter leur entreprise et à réussir la transition vers une gouvernance démocratique.

Pour éclairer ce point aveugle, nous avons réalisé avec deux collègues une recherche publiée dans le n°263 de la Revue Française de Gestion qui vise à mieux comprendre ce processus de basculement en Scop.

Nous avons étudié un cas de reprise en Scop que nous avons suivi sur une période de 3 ans. A l’appui de cette transition réussie, nous avons identifié trois phases clés dans le processus de reprise en Scop.

La première phase que nous avons qualifiée « phase de détachement », est caractérisée par un travail important réalisé par un petit groupe de salariés pour délégitimer la gouvernance privée et pour défendre une forme de gouvernance alternative et démocratique. C’est un véritable travail de déconstruction et de reconstruction identitaire qui s’opère sur cette période. Il s’agit de transformer les croyances et les représentations qu’ont les salariés sur leur capacité à prendre en main le destin de l’entreprise. Il s’agit également de transformer leurs croyances sur le caractère naturel et la supériorité de la gouvernance privée.

Concernant la deuxième phase de la transition en Scop, que nous avons qualifiée de phase d’agencement, elle renvoie à une période au cours de laquelle va se constituer la nouvelle équipe de leaders. Pendant cette phase d’agencement, il est nécessaire de repérer et de convaincre en interne des personnes susceptibles d’apporter leurs compétences dans l’élaboration du projet de reprise et dans la direction de la future Scop. Cette phase se caractérise aussi par un travail important pour légitimer le projet auprès des parties prenantes externes comme les banques ou les clients. Il s’agit pour les salariés repreneurs de les rassurer et de les convaincre de la qualité et la pérennité du projet de reprise en Scop. 

Enfin la dernière phase, que nous avons appelée phase de modelage, concerne la période qui suit la validation de la reprise par le tribunal de commerce. Au cours de cette période post-reprise les salariés désormais sociétaires, réalisent un travail de transformation de l’organisation et de ses pratiques dans l’objectif de construire et renforcer la culture coopérative. Il s’agit d’abord de construire un nouveau conseil d’administration et de l’ouvrir à une plus grande diversité de salariés. La construction de ce nouveau conseil d’administration implique le développement de la formation pour faire évoluer les compétences des administrateurs et des sociétaires qui sont potentiellement de futurs administrateurs. Au cours de cette phase de modelage, on assiste aussi au développement de la transparence des informations sur l'activité et sur la performance de l’entreprise à travers le développement des réunions d’information, de pratiques de comptes rendus de réunion, et d’affichage d’information. C’est au cours de ces trois étapes que se développent l’implication et la responsabilisation des salariés essentielle à la réussite des reprises en Scop.