Selon le philosophe Gilles Lipovetsky, l’hypermodernité désigne un monde marqué par une hyperconsommation, un individualisme exacerbé, une prolifération des technosciences ainsi qu’une radicalisation de la pensée démocratique.
Dans ce monde hypermoderne, la façon dont le pouvoir s’exerce, notamment au sein des entreprises, est de plus en plus facilement contestée par les salariés mais également par les managers et même certains cadres dirigeants.
L’exercice du pouvoir se trouve pris en tenaille entre d’un côté un arsenal législatif et réglementaire toujours plus sophistiqué et contraignant et de l’autre un besoin grandissant d’agir et penser librement.
Dans ce contexte, gouverner, diriger et manager deviennent des exercices subtils et délicats. Toujours sensible à l’air de temps, la notion de leadership évolue vers un nouveau paradigme dont les caractéristiques peuvent s’énoncer ainsi :
Le leader ou le manager qui sait mieux que les autres laisse peu à peu la place à un truisme selon lequel personne ne sait véritablement mieux que tout le monde.
Le leadership qui était naturellement associé au rôle et à la fonction est de moins en moins de mise. Il s’agit désormais de regarder le leadership comme un acte occasionnel. A l’image de la créativité, le leadership influence ponctuellement l’adoption d’une nouvelle direction, que celle-ci soit stratégique, tactique ou technique.
La stratégie planifiée qui faisait l’objet d’études et de plans prévisionnels méticuleux est progressivement abandonnée au profit de stratégies qualifiées d’émergente pour reprendre le terme d’Henry Mintzberg. Lorsque les incertitudes du monde hypermoderne deviennent trop prégnantes, l’improvisation et la réactivité stratégique se parent de vertus pragmatiques afin d’être en capacité de saisir les opportunités au moment où celles-ci se présentent.
Les frontières de l’organisation se fondent peu à peu dans un écosystème plus global, celui de la société. Le concept de masse salariale unie autour d’une seule raison sociale se délite au profit d’une fluidité et d’une hétérogénéité co-contractante. On y trouve encore des salariés mais pas seulement. En nombre croissant, voit arriver des travailleurs indépendants, des plateformes d’intermédiation et une grande variété de partenariats avec des écoles, des associations, des fondations, des incubateurs et des accélérateurs.
Les fondements mêmes de l’entreprise sont amenés à évoluer vers des formes d’avantage associatives et mutualistes. On peut par exemple imaginer des modèles de gouvernance dont le fonctionnement s’apparente d’avantage à un syndic de copropriétaires qu’à un petit club fermé où règne l’entre-soi.
Dans un monde hypermoderne, le leadership continue sa mutation en s’adaptant aux nouvelles circonstances de l’époque non pas tant en fonction du passé mais à partir d’une perception de l’avenir qui fait sens. Le leadership change donc de nature. En paraphrasant Jim Morris, l’actuel président des studios Pixar : Le leadership s’apparente un phénomène interrelationnel de la cocréation d’un monde auquel une majorité d’acteurs ont envie d’appartenir.
Publié le mardi 21 décembre 2021 . 3 min. 55
Les dernières vidéos
Management et RH
Les dernières vidéos
d'Eric-Jean Garcia
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES