La psychanalyse au service du management ?

Et si les conflits en entreprise ne relevaient pas d’un problème d’organisation, mais d’un refoulé collectif ? Et si patrons et managers étaient des névrosés comme les autres ? Et si le management était moins une science de l’efficacité qu’un théâtre d’ombres où se rejouent désirs, frustrations et angoisses ? Trop longtemps, les managers ont cru qu’un bon organigramme valait mieux qu’une bonne écoute. C’est peut-être une erreur. La psychanalyse a sa place en entreprise, non comme gadget RH, mais comme méthode stratégique. EN vérité, Freud a peut-être plus à dire que les experts en management sur le monde de l’entreprise.

Les entreprises ont des inconscients collectifs

Dès les années 70, les travaux de Gérard Mendel et d’Eugène Enriquez montrent que l’organisation n’est pas neutre : elle est traversée par des pulsions, des fantasmes, des clivages. Le salarié n’est pas un "acteur rationnel" mais un sujet désirant, souvent divisé, toujours en quête de reconnaissance. En clair : une entreprise est un système psychique. L’ignorer, c’est piloter à l’aveugle.
> Écouter les non-dits organisationnels.

Le manager est un symptôme

Prenez Elon Musk ou autrefois Bernard Tapie : leur style managérial ne dit pas seulement leur stratégie, mais leur structure psychique. Le manager, comme le dit l’écrivain Pierre Legendre, est "un porteur de fiction normative" : il incarne une Loi — ou son absence. Chez Atos, la descente aux enfers depuis 2022 révèle plus qu’un défaut d’exécution : une fuite du symbolique, un désinvestissement de la parole vraie.
>Le style révèle l’inconscient managérial.

Le coaching est un leurre, la cure une nécessité

Le coaching vend de la performance, la psychanalyse interroge le sens. À la Société Générale, après la crise de 2008, plusieurs cadres dirigeants ont été accompagnés non par des consultants, mais par des psychanalystes : pour remettre du lien, du langage, et du cadre dans un système en perte de sens. Ce n’est pas un luxe, c’est une hygiène mentale.
>Soigner le sens, pas la forme.

Un analyste dans chaque COMEX ?

Le vrai progrès du management ne viendra pas d’un nouveau méthode de gestion humaine à la mode, mais d’une meilleure compréhension de ce qui se joue, souvent à notre insu, dans les relations de travail. Il est temps d’ouvrir un espace d’écoute au plus haut niveau. Pas pour faire de la thérapie collective, mais pour éviter que les décisions soient influencées par des affects non reconnus. Le capitalisme a ses économistes. Il pourrait gagner à écouter aussi les psychanalystes, ces économistes de la pulsion.

Annexe – Sources et références

• Eugène Enriquez, L’organisation en analyse, PU 2003

Pierre Legendre, La fabrique de l'homme occidental, Mille et Une Nuits, 2000

• Gérard Mendel, La révolte contre le père, Grasset, 1968.

• Société Générale & psychanalyse post-crise : Interview de Jean-Pierre Dupuy sur l’accompagnement psy post-2008, Le Monde, 2010.

• Atos – crise de gouvernance et effondrement :
Les Échos, "Comment Atos s’est sabordé", 13 février 2024.