À quoi sert vraiment une direction générale ?

Si vous travaillez dans une grande organisation diversifiée, que ce soit un grand groupe ou une administration, peut-être vous êtes-vous déjà demandé à quoi sert la direction générale. Il existe en effet un étonnant paradoxe de la hiérarchie : plus vous montez dans la hiérarchie, plus vous êtes payé, mais plus vous vous éloignez des zones effectives de création de valeur. Stratégiquement parlant, la valeur créée par une direction générale est généralement négligeable : les clients ne valorisent pas plus l’offre de l’entreprise A que celle de l’entreprise B parce que cette entreprise est dirigée par Monsieur X ou Madame Y. La plupart du temps, on ne sait d’ailleurs pas qui sont les dirigeants, et cela n’influe certainement pas sur les décisions d’achat. Vous pourriez bien entendu objecter l’exemple de Steve Jobs chez Apple, mais vous confondriez alors son rôle de dirigeant – d’ailleurs plutôt controversé – avec son rôle de commercial, dans lequel il était absolument excellent. Non, en règle générale, la direction générale ne crée par de valeur. Mais alors, à quoi sert-elle ?

On peut argumenter qu’elle est l’architecte de la chaîne de valeur, que c’est elle qui met en place les conditions du succès, qu’elle élabore la stratégie. C’est souvent exact, même si le véritable architecte de la chaîne de valeur est plus l’entrepreneur que le dirigeant. Or, beaucoup de dirigeants ne sont pas des entrepreneurs, mais plutôt des gestionnaires. De plus, dans les organisations de grande taille, chacune des divisions a sa propre stratégie concurrentielle, et la direction générale ne fait qu’arbitrer entre les demandes des unes et des autres, ce que le marché financier peut faire tout aussi bien.

On peut aussi dire que la direction générale n’a pas pour vocation de créer de la valeur pour les clients, mais plutôt pour les actionnaires. Se pose alors une question politique essentielle : bien entendu, une entreprise a pour vocation fondamentale de créer des richesses, mais rien ne dit que ces richesses doivent avant tout enrichir des actionnaires, aux dépens des autres parties prenantes. Postuler que la création de valeur actionnariale est l’alpha et l’oméga de la stratégie, ce n’est pas faire de l’économie, c’est faire de la politique.

Dans ces conditions, quel doit être le rôle éventuel d’une direction générale ? Pour répondre à cette question, vous pouvez mobiliser la notion d’avantage parental. Tout comme une entreprise peut posséder un avantage concurrentiel, qui se traduit par le fait qu’elle est capable de dégager une rentabilité supérieure à celle de ses concurrents, une direction générale doit posséder un avantage parental : elle doit démontrer sa capacité à contribuer à la performance des domaines d’activité stratégique qui sont sous sa responsabilité, qu’il s’agisse de départements, de filiales ou de divisions. Si ces activités sont plus performantes qu’elles ne le seraient en étant indépendantes, la direction générale démontre son utilité. Si en revanche votre direction générale ne fait qu’ajouter une couche de complexité bureaucratique, de contrôle et de frais de représentation, vous pouvez vous interroger sur sa légitimité.