Vous savez certainement qu’en stratégie, lorsqu’il s’agit d’étendre le périmètre d’activité d’une organisation, on distingue la croissance interne, qui consiste à développer soi-même les ressources et compétences dont on a besoin, de la croissance externe, qui revient à les acquérir en rachetant une autre organisation qui les possède déjà. Cependant, il existe une troisième option, celle des alliances et partenariats.
Formellement, un partenariat est un accord entre des organisations non concurrentes, alors qu’une alliance réunit des concurrents.
Les partenariats peuvent impliquer des clients et des fournisseurs, ou encore des entreprises qui proposent des offres distinctes aux mêmes clients, mais qui souhaitent partager leurs coûts de distribution. Dans le premier cas on peut citer les nombreux partenariats entre constructeurs et équipementiers dans l’automobile ou l’aéronautique, et dans le second la communication mutuelle entre les fabricants de machines à laver et les fabricants de lessive.
Les alliances, de leur côté, concernent des concurrents, qui peuvent avoir intérêt à se réunir soit pour partager leurs ressources et compétences respectives, comme dans le cas des alliances entre compagnies aériennes comme Skyteam, One World ou Star Alliance, soit pour additionner leur pouvoir de marché et ainsi atteindre plus vite un seuil de rentabilité, ce qui a été à l’origine du projet d’Airbus.
La littérature stratégique insiste généralement sur le côté intrinsèquement instable des alliances. Après tout, il s’agit de réunir des concurrents, qui par nature ont plus vocation à s’affronter qu’à collaborer. Cependant, il convient de souligner un autre aspect tout aussi critique des alliances : elles sont illégales.
En effet, les autorités de la concurrence, qu’elles soient nationales ou supranationales, n’hésitent pas à sévèrement condamner les collusions et les cartels, généralement pour entente sur les prix. Les amendes peuvent aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires incriminé. En France, ces dernières années, l’autorité de la concurrence a ainsi sanctionné un cartel des sandwichs industriels pour 49 millions d’euros, un cartel de la compote à hauteur de 58,3 millions d’euros ou un cartel des fabricants d’appareils électroménagers à hauteur de 189 millions d’euros. De même, la Commission européenne a infligé une amende de 2,93 milliards d’euros à un cartel des fabricants de camions et de près d’un milliard à celui des quatre premiers fabricants mondiaux d’ascenseurs. Au passage, l’administration propose ce qu’elle appelle un « programme de clémence », qui permet à une entreprise qui fait partie d’un cartel d’obtenir une immunité totale d’amende à condition qu’elle le dénonce aux autorités. Cela s’applique même à l’entreprise qui est à l’origine de l’entente. L’objectif de ce dispositif, aussi redoutablement efficace que la moralement discutable, est de saper la confiance entre les complices.
Par conséquent, à chaque fois que vous constituez une alliance avec un concurrent, vous risquez de vous attirer les foudres des autorités : elles partiront du principe que vous cherchez à contourner les règles de la saine concurrence. Il vous est donc très fortement conseillé d’obtenir au préalable une autorisation officielle, sachant qu’un seul argument permettra généralement de légaliser votre alliance : il vous faut démontrer qu’elle est bénéfique pour le consommateur. Pour cela, vous devez expliquer aux autorités qu’elle permettra de réduire les prix, d’éviter une profusion de standards incompatibles, ou encore d’assurer la plus large diffusion d’une innovation.
Dans tous les cas, pour éviter tout désagrément, partez du principe qu’une alliance, c’est illégal, et que c’est bien à vous de démontrer le contraire.
Publié le mardi 19 novembre 2024 . 3 min. 46
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