Entreprises innovantes : est-ce une question de taille ?

Vous avez certainement déjà entendu dire que les petites entreprises sont plus innovantes que les grandes. Les grandes entreprises seraient lourdes, bureaucratiques, arrogantes, confinées dans leurs certitudes et incapables de se réformer. À l’inverse, les petites entreprises – et a fortiori les start-up – sont supposées agiles, flexibles, ouvertes, créatives et toujours prêtes à se remettre en cause.

Ces affirmations résistent-elles à l’analyse ? En réalité, ce n’est pas aussi simple.

Tout d’abord, il faut rappeler que l’innovation ne consiste pas à avoir des idées, mais à les mettre en œuvre. Vous pouvez avoir des centaines d’idées, mais si vous n’êtes pas capable de les transformer en offres nouvelles, vous n’êtes pas un innovateur. Or, les grandes entreprises disposent de ressources bien plus importantes que les petites, ce qui devrait leur permettre de déployer leurs innovations à une bien plus grande échelle. Pour autant, une grande entreprise présente souvent des pesanteurs hiérarchiques et des procédures qui entravent le déploiement des idées nouvelles, problème auquel les petites entreprises sont moins exposées.

Réciproquement, les grandes entreprises disposent de capitaux bien plus importants pour alimenter leurs départements de recherche et développement, ce qui leur permet de déposer beaucoup plus de brevets que les petites. Cependant, il faut se méfier de la confusion fréquente entre la recherche et l’innovation. La recherche, cela consiste à transformer de l’argent en savoir. L’innovation, cela consiste à transformer du savoir en argent. De fait, disposer d’une meilleure capacité de R&D ne préjuge pas d’une meilleure capacité d’innovation. Qui plus est, grâce aux plateformes collaboratives d’innovation comme Innocentive, Hypios ou NineSigma, les petites entreprises peuvent avoir accès aux mêmes compétences scientifiques que les grandes. Avoir ses propres équipes de R&D peut ainsi devenir un coût plutôt qu’un avantage concurrentiel.

On avance aussi très souvent un argument psychologique : là où une grande entreprise peut se contenter d’exploiter ses offres existantes et d’optimiser sa gestion, l’innovation serait la raison d’être des petites entreprises. En réalité, tout dépend de la culture de l’entreprise et de l’esprit qu’ont su lui influer ses dirigeants. Certaines grandes entreprises sont ainsi en perpétuelle remise en cause, comme Kering, Procter&Gamble, 3M ou Bolloré, alors que bien des petites, du fait de dirigeants timorés ou traditionalistes, se concentrent sur leur activité et leur savoir faire, préférant le confort de leurs acquis au risque du changement. Non, tous les entrepreneurs ne sont pas des pionniers, et tous les managers ne sont pas des bureaucrates. L’arrogance n’est pas l’apanage des puissants.

Au total, si de nombreux travaux de recherche en stratégie ont comparé la capacité d’innovation respective des petites entreprises et des grandes, leurs conclusions ne permettent malheureusement pas de trancher. Affirmer que les PME sont le moteur de l’innovation et les grands groupes le royaume du conservatisme n’est qu’un préjugé, une idée reçue qui ne résiste pas à l’analyse.