Alors que l’actionnaire est bien souvent assimilé par le grand public à un profiteur et que le manager passe pour un bureaucrate sans relief, la figure de l’entrepreneur jouit d’une image particulièrement positive.
Depuis les travaux fondateurs des économistes Richard Cantillon au 18e siècle, Jean-Baptiste Say au 19e siècle et surtout Joseph Schumpeter au 20e siècle, l’entrepreneur est vu comme un moteur essentiel à l’innovation et à la prospérité. Selon Schumpeter, l’entrepreneur est l’élément dynamique qui permet à l’économie de se régénérer. Même Karl Marx souligne que ce qu’il appelle « l’entrepreneur-capitaliste » joue un rôle révolutionnaire dans l’économie. De Gustave Eiffel à Xavier Niel et de Steve Jobs à Elon Musk, les icônes de l’entrepreneuriat font rêver des générations de jeunes diplômés, qui se voient plus volontiers en futurs Mark Zuckerberg qu’en mornes rouages d’une grande machine bureaucratique.
Cette représentation héroïque de l’entrepreneur se retrouve dans la fameuse citation attribuée à Reid Hoffman, le co-fondateur de LinkedIn : « Un entrepreneur, c’est quelqu’un qui se jette d’une falaise et construit un avion pendant la chute. » On retrouve ici deux éléments centraux de la figure de l’entrepreneur : l’obstination et la chance.
Les entrepreneurs se caractérisent en effet par leur obstination, qui confine parfois à l’obsession. Essayer, essayer encore semble être leur mot d’ordre, à l’image de Thomas Edison, qui affirmait : « Le plus sûr moyen de réussir, c’est toujours d’essayer encore une fois. » ou de Henry Ford, qui ajoutait : « L’échec est seulement l’opportunité de recommencer d’une façon plus intelligente. ».
Cependant, il ne suffit pas d’essayer pour réussir : on peut être condamné à échouer perpétuellement. La chance est donc la deuxième dimension de l’entrepreneuriat. Derrière chaque entrepreneur qui a réussi, vous en trouverez toujours d’autres, tout aussi talentueux, tout aussi persévérants, tout aussi visionnaires, mais moins chanceux, qui malheureusement ont échoué. La réussite est une conjonction d’éléments d’une telle diversité et d’une telle complexité que nul n’est capable d’en maîtriser la mécanique. Parfois, par hasard, l’alignement des planètes se fait. Le plus souvent, il ne se fait pas. En essayant encore une fois, on ne fait qu’invoquer la chance à nouveau.
Or, derrière la chance et l’obstination, il existe bien souvent une autre condition méconnue du succès des entrepreneurs : l’hérédité. En effet, rares sont les entrepreneurs qui n’ont pas un parent, un oncle, une tante ou un cousin qui n’était pas entrepreneur lui-même. Ce parent fait figure de modèle et permet d’oser prendre des risques, là où celles et ceux qui sont issus d’une famille où l’entrepreneuriat est absent auront plus de crainte à se jeter du haut de la falaise, pour reprendre l’image de Reid Hoffman.
Enfin, si l’entrepreneur est une figure éminemment positive, vous ne devez pas oublier que les qualités nécessaires à la création d’une entreprise ne sont pas celles qui permettent de la diriger : les bons entrepreneurs font bien souvent de mauvais dirigeants. Leur obstination et leur goût du risque s’accommodent mal des impératifs de la conduite quotidienne d’une organisation. Les entrepreneurs, une fois leur création achevée, doivent donc parfois céder la place à des gestionnaires, mieux à même de la faire prospérer.
Au total, si vous vous en sentez la fibre, n’hésitez pas, créez des entreprises. En effet, sans entreprises nouvelles, la stratégie risquerait, peu à peu, de s’apparenter à de la gériatrie.
Publié le lundi 03 juin 2024 . 3 min. 41
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