Les grandes écoles et les universités sont-elles du spectacle ?
Publié le mardi 15 novembre 2016 . 3 min. 20
Vous êtes-vous déjà demandé si les modèles et les outils de la stratégie sont applicables aux institutions d’enseignement supérieur comme les universités ou les grandes écoles ? En fait, l’enseignement supérieur est une activité qui présente une série de spécificités stratégiques tout à fait intéressantes.
Tout d’abord, même si cela peut paraître surprenant à première vue, l’enseignement s’apparente à l’industrie du spectacle. Dans les deux cas, le client ne peut véritablement juger de la qualité de ce qu’il achète qu’après l’achat. Si vous envisagez d’acheter une chemise ou des raisins, vous pouvez estimer la qualité avant d’acheter : il vous suffit d’essayer la chemise ou de goûter un grain de raisin. À l’inverse, vous ne saurez véritablement qu’un spectacle vaut le prix que vous l’avez payé qu’après l’avoir vu. De fait, l’industrie du spectacle a développé toute une série techniques permettant de rassurer le client a priori sur la qualité de ce qu’il achète : les bandes annonces, les revues spécialisées, les Césars ou les Molières. Regardez n’importe quelle affiche d’un film hollywoodien, et vous verrez qu’elle multiplie les signaux de réassurance : par les producteurs de…, avec l’acteur et l’actrice récompensés par tel Oscar, le titre II, et trois ou quatre citations de critiques qui vantent la qualité du film. L’enseignement supérieur est dans la même situation : vous ne pourrez véritablement juger de la valeur d’une formation qu’après l’avoir suivie. Les écoles et les universités ont donc dû développer elles aussi des signaux de réassurance : ce sont les classements et les accréditations. Toute une industrie du classement et de l’accréditation des écoles et des universités s’est ainsi développée, que ce soit les classements de Shanghai, de QS ou du Financial Times, ou encore les accréditations de l’AMBA, de l’AACSB ou de EQUIS. Plus aucun responsable de formation ne peut se permettre de les ignorer, notamment lorsqu’il s’agit d’attirer des étudiants étrangers.
Malheureusement, en voulant satisfaire aux critères de ces classements et de ces accréditations, les écoles et les universités finissent par toutes se ressembler. Adopter un positionnement original devient de plus en plus risqué, car si vous vous écartez des indicateurs clés, votre réputation va s’effondrer. À l’inverse, tout le monde est en compétition pour publier dans les mêmes revues ou pour atteindre le même taux d’étudiants étrangers. Cette convergence généralisée vers les mêmes indicateurs est bien entendu très préoccupante, surtout lorsque certains de ces indicateurs, notamment le poids de la recherche ou les dépenses de communication, impliquent des niveaux de financement hors de portée de la plupart des écoles, qui ne parviennent plus à équilibrer leurs budgets. Il existe ainsi un risque que l’industrie de l’enseignement supérieur converge, mais vers la ruine.
Cependant, et heureusement, la caractéristique la plus spécifique de l’enseignement supérieur reste incontestablement son produit. L’enseignement a pour rôle de transformer des étudiants, de manière à maximiser leur employabilité, et plus largement à assurer qu’ils joueront le meilleur rôle possible dans la société. Par conséquent, contrairement à ce qu’on entend parfois, les étudiants ne sont pas les clients des écoles ou des universités : ce sont leurs produits.
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de Frédéric Fréry
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