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Apologie des expériences managériales radicales

Publié le mercredi 5 avril 2023 . 3 min. 53

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Les managers qui sont capables de piloter par gros temps sont en général ceux qui marquent le plus l’histoire d’une entreprise : au moment où les risques s'amplifient, où le bateau prend l’eau, il faut acter un virage stratégique à 180 degrés. Dans ces moments de ruptures intenses, le manager qui se montre assez adroit, ou courageux, ou les deux, pour opérer des actions exceptionnelles et bouleverser l’ordre ordinaire recevra l’estime générale. On pourrait en venir à l’idée suivante : rien n’est moins excitant, pour un dirigeant d’entreprise qu’une vie professionnelle sans intensité et sans épreuves révélatrices d’un caractère ou d’un tempérament. Mieux vaut être un brillant leader transformationnel qu’un simple cost-killer.


Sur un plan philosophique, nous pourrions simplement dire qu’au fond les expériences professionnelles ne se valent pas toutes : il faudrait distinguer celle qui nous révèlent « le fond des choses, (…) la nature ultime de la réalité » (p. 14), des expériences pratiques, celles de tous les jours, qui ne feraient que nous « maintenir dans un régime d’apparence ». Les expériences extraordinaires sont rares mais ce sont celles qui donnent le prix aux choses et révèlent de nouveaux horizons, aussi excitants que possible.


Stéphane Madelrieux, un professeur de l’Université Jean Moulin-Lyon 3 auteur d’une Philosophie des expériences radicales, donne un nom à cette conception consistant à penser qu’une vie sans intensité et sans radicalité ne mérite pas vraiment d’être vécue. Ce nom est celui « d’empirisme métaphysique » qui soutient l’authenticité des expériences exceptionnelles contre l’automaticité des petites conventions de la vie quotidienne – lesquelles nous empêcheraient de viser plus haut sur le plan de l’intensité de l’existence. Et cet empirisme serait en fait celui de tout un courant de pensée, allant de Deleuze à Foucault en passant par Bataille et Blanchot, et qui viserait à valoriser avant tout la seule « audace des expériences supérieures ».


Toutefois l’auteur décrit ces apologies des expériences limites pour tenter d’en comprendre les ressorts. Selon lui, cette tendance s’expliquerait par le « prestige dont jouissent, notamment aux yeux des intellectuels, les tendances politiques révolutionnaires ou contestataires » (p. 341), mais aussi du fait qu’en France, dans le champ philosophique, s’installe volontiers « une logique de la surenchère, où chaque auteur est tenu de se distinguer des autres en les dépassant ». On comprend alors qu’il prend finalement ses distances avec cet empirisme qui serait je cite : « un mauvais programme philosophique, qu'il « fau(drait donc) résister à la tentation d'attribuer systématiquement plus de réalité et de valeur aux expériences exceptionnelles en en faisant des expériences proprement radicales » (p. 16).


En management nous comprenons bien ce qui est analysé ici : bien manager dans les temps ordinaires n’a pas moins de valeur ou de réalité que de manager dans les temps extraordinaires. Et même si nous sommes tentés de croire que seules les actions extraordinaires et intenses sont efficaces, qu’elles seules attirent notre attention, qu’elles seules croit-on nous entraînent vers un avenir meilleur, force est de constater qu’il s’agit pourtant d’un mauvais programme de management : il arrive parfois, en temps ordinaire, que la recherche des vertiges sensationnels, des acquisitions brillantes et des lancements impétieux soit parmi les pires options possibles. Dans sa lettre à un élève titrée L'amour est quelque chose de grave tirée de La condition ouvrière, paru en 1951, Simone Weil avait su trouver les mots, pour le dire avec autant de clarté que possible :


« Si vous persistez à avoir pour principal objectif de connaître toutes les sensations possibles (…), vous n'irez pas loin. J'aimais bien mieux quand vous disiez aspirer à prendre contact avec la vie réelle. Vous croyez peut-être que c'est la même chose; en fait, c'est juste le contraire. (…) Car la réalité de la vie, ce n'est pas la sensation, c'est l'activité - j'entends l'activité et dans la pensée et dans l'action. Ceux qui vivent de sensations ne sont, matériellement et moralement, que des parasites par rapport aux hommes travailleurs et créateurs, qui seuls sont des hommes. »


D'APRÈS LE LIVRE :

Philosophie des expériences radicales

Philosophie des expériences radicales

Auteur : Stéphane Madelrieux
Date de parution : 04/11/2022
Éditeur : Seuil
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