Civilisation – Comment nous sommes devenus américains
Publié le mardi 26 septembre 2017 . 3 min. 30
Alors « qu’une quinte de toux de Mme Clinton fait l’ouverture de nos journaux télévisés, nous n’avons pas dix secondes pour un changement de paysage en Roumanie ou en Tchéquie » annonce Régis Debray dans son dernier essai, « comment nous sommes devenus américains ». Si la culture européenne il y a un siècle avait une variante de l’autre côté de l’Atlantique, aujourd’hui c’est le contraire qui se produit: la civilisation est d’abord américaine et il ne faut voir dans la culture européenne qu’une variable d’ajustement, pire nous dit Debray, des « réserves indigènes ».
Les deux mots-clés de cet essai au vitriol seront donc civilisation et culture. La civilisation est la culture dominante pourrait-on dire, au point de ne plus être obligée de se présenter comme telle. Lorsque la langue et la monnaie ne sont plus des combats mais des évidences, acceptées par tous, comme le sont l’anglais et le dollar, alors on peut dire que la nation qui en est dépositaire n’a plus besoin de se battre, elle peut comme dit l’auteur « se retirer sur ses terres sans cesser d’irradier. » Or dans le couple occidental c’est bien sûr l’Amérique qui donne le ton, c’est elle qui pratique ce « leadership by behind » qu’évoque encore l’essayiste en faisant référence aux immenses capacités d’écoute et d’espionnage des Etats-Unis ; quand à l’Europe elle ne serait plus qu’une culture, le témoignage d’une grandeur passée, un folklore intimidé sous la pression de disparaître.
Face au Market cap, au staff meeting, au world summit, au low cost et aux young leaders, seules les civilisations indoue, chinoise, musulmane, japonaise, et slavo-orthodoxe paraissent constituer encore des ensembles susceptibles de « co-prospérité ». Point l’Europe, notamment celle de Valéry, de Husserl, ou de Jan Patotchka (Patocka) qui placée sous la défensive ne propose plus d’horizon pour personne.
Voilà en tout cas un ouvrage nostalgique qui se souvient d’heures plus glorieuses pour la culture européenne comme lorsqu’est évoquée l’incontournable librairie des PUF Place de la Sorbonne, devenue aujourd’hui un magazine d’équipement sportif américain où l’on aperçoit en grandes lettres ce slogan : « Are you running today ? ». Comme pour rappeler aux passants, ironise notre philosophe, leurs « devoirs de vélocité ».
Alors pour, aller vite, essayons de conclure. Il y a dans ce pamphlet ce qu’il faut de culture européenne, justement, pour ne pas désespérer. Quand l’auteur, mi-chagrin, mi-chiffon, nous rappelle par exemple que Charles Quint parlait espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à son cheval, il faut lui dire que jamais les langues étrangères, notamment sous les effets du programme Erasmus, n’ont été aussi bien parlées par les jeunes européens d’aujourd’hui. Aussi, il n’appartient qu’à nous, à cette nouvelle génération qui vient, d’ouvrir l’Europe à des espaces de « co-prospérité » avec les autres grandes civilisations du monde. Si dans le domaine technologique, la partie paraît mal engagée, dans les médias, les sciences humaines, l’art, les services, la protection de la nature, et, plus encore dans le domaine éducatif, notamment managérial, gageons plutôt que les pays de l’Union n’ont pas dit leur dernier mot.
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