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C’est une expérience que chacun peut faire en entrant dans un métro ou en marchant dans la rue : les gens conversent de plus en plus sans qu’on puisse trouver le moindre interlocuteur en face d’eux. En réalité c’est à leur oreillette qu’ils parlent et on peut supposer, ou tout au moins espérer, qu’ils ne sont pas tout à fait seuls, et qu’ils ne sont pas tout à fait fous. Mais au fait, n’y-a-t-il que le fou qui parle seul ?


Ce n’est visiblement pas l’avis de Victor Rosenthal, un psychologue et anthropologue chargé de recherche à L’Inserm, qui publie aux Presses Universitaires de France un essai consacré à la parole adressée à soi-même. Intitulé Quelqu’un à qui parler. Une histoire de la voix intérieure, le livre regroupe de nombreux travaux antérieurs et montre par le biais d’une analyse en profondeur que cette discussion avec soi-même est précisément la condition de notre capacité à penser le monde qui s’impose à nous. Cette compagne fictive qu’est cette langue intérieure qui me parle, cette deuxième voix qui s’entend lorsque je m’adresse à moi-même, est précisément ce qui rend possible une communication avec soi, mais aussi avec le monde extérieur. Qu’il s’agisse d’un soliloque, par exemple le récit de mes états d’âme à l’issue d’une mauvaise journée de boulot, ou d’une clameur de type « Fais attention ! » que je m’adresse à moi-même pour éviter de rouler sous une voiture, à chaque fois résonne ce phénomène vocal, sorte de cohabitation entre celui que je suis, et celui qui ne cesse de s’adresser à moi.


Mais en fait nous n’avons pas attendu d’entrer dans un métro ou de marcher dans la rue pour s’entretenir avec cette voix qui nous parle. Les grecs anciens, en particulier les stoïciens, l’avaient déjà reconnue sous la forme du daemon. Le daemon c’était cette force quasi-divine qui nous indiquait la marche à suivre, le programme d’action du quotidien, la feuille de route qui n’appartient qu’à soi. Du reste, la pratique philosophique elle-même était mise sous condition d’un rapport à soi, d’un échange dialogué avec soi-même, de l’âme avec elle-même. Etre à l’écoute de soi cela voulait dire écouter cette voix autre que la mienne qui me parle et que je suis seul à entendre, dans les deux sens du terme. Que cette voix soit d’ailleurs subvocalisée ou vocalisée, incarnée et audible, ainsi que le rappelle Rosenthal en usant de l’exemple de cette mère qui fait mine de s’adresser à ses enfants alors qu’en fait le propos ne se destine qu’à elle-même. Car elle seule peut le comprendre.


Or ce récit de soi que cette voix ne cesse de révéler est important pour toutes celles et ceux qui sont dans des positions sociales d’influence pour au moins trois raisons :


-la première est que sans cette voix qui affirme ou qui confirme, point de décision.  « Seule une voix, une voix intime, peut valablement prendre des résolutions » rappelle notre auteur. (p. 40). Décider revient pour l’essentiel à se mettre d’accord avec soi, à évaluer des situations selon différents points de vue que le seul empressement de notre volonté ne peut appréhender avec sagesse ou raison. Cette voix dédoublée, que l’on rencontre par exemple dans l’écriture du journal intime qui dévoile sous forme écrite ce que nous ne parvenons pas à nous dire à nous-mêmes, c’est aussi la voix qui nous interpelle, qui nous met en garde, ou qui nous rassure avant de prendre un engagement quel qu’il soit. Au fond cette voix joue le rôle d’outil d’aide à la décision car c’est aussi la voix des autres qui parle en nous. Cette voix intérieure en effet porte aussi le sceau de la vie sociale, en ce sens qu’elle apporte ce niveau de dialogue qui permet à chacun d’être compris d’autrui, de permettre à chacun d’être audible par les autres membres du groupe auquel on appartient. Convaincre en entreprise, ou en politique, requière au préalable d’être à l’écoute de cette voix qui m’oblige à m’intéresser à autre chose qu’à moi-même.
-La seconde raison est liée à la première en ce qu’elle est aussi la condition de tout comportement éthique. C’était le point de vue de Socrate. Cet autre qui parle en moi me rappelle à mes engagements : cette voix impérative est celle qui a la force de nous rappeler, lorsque c’est nécessaire, à l’accomplissement de nos devoirs.


-Enfin, comme l’écrit l’auteur, « la voix intérieure… a le pouvoir de mettre l’imagination au service de l’action… Et le propre de cette imagination vocale est qu’elle ne s’apparente pas à une rêverie » (p. 51). De fait dans la gestion des organisations, aucune qualité n’est plus précieuse que l’exercice de l’imagination que seule un effort de dédoublement, de contradiction, parfois de conflit intérieur, est susceptible de produire.


Or c’est précisément cet éveil du cœur et de l’intelligence qu’accompagne cette voix qui nous distingue des machines. L’intelligence artificielle quant à elle, nonobstant sa puissance propre, n’a pas cette vertu. Personne à qui parler pour rectifier une trajectoire, ou bifurquer avant qu’il ne soit trop tard. Tandis qu’en chacun et chacune d’entre nous, le daemon continue sans cesse d’instruire nos compétences et nos consciences. C’est grâce à lui que nous pouvons cohabiter avantageusement avec le monde, avec autrui et avec nous-mêmes.

Réf : Quelqu’un à qui parler. Une histoire de la voix intérieure, par Victor Rosenthal. PUF, 2019.


Publié le jeudi 21 novembre 2019 . 4 min. 46

D'APRÈS LE LIVRE :

Quelqu’un à qui parler. Une histoire de la voix intérieure

Quelqu’un à qui parler. Une histoire de la voix intérieure

Auteur : Victor Rosenthal
Date de parution : 02/2019
Éditeur : PUF
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