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Faire face au naufrage de l'attention

Publié le jeudi 2 avril 2020 . 4 min. 34

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Qu’il est loin le temps où l’ancien patron de TF1 annonçait que sa chaîne vendait du temps de cerveau humain disponible à Coca-Cola, et que c’était là finalement son métier et sa vocation. Et pourtant rien n’indique hélas qu’il avait eu à l’époque tout à fait tort de décrire ainsi une prétendue « économie de l’attention », qui fait de chaque téléspectateur une proie cognitive pour les grandes marques de consommation.


Car depuis, cette règle du jeu semble avoir été intensifiée et même radicalisée par tous les acteurs influents du numérique. Au point que le temps que nous passons sur écrans, pas seulement à écouter des vidéos sur Xerfi canal, mais à consulter nos messages sur gmails, à dénombrer nos « amis » sur Facebook et à uploader nos photos sur Insta, représente un sujet d’inquiétude dont nous, parents, employeurs ou simples internautes, sommes de plus en plus conscients. Ou de moins en moins inconscients.


Du reste, que les parents se rassurent, et les employeurs aussi, les sciences sociales nous aident aujourd’hui à mettre des mots sur ces maux, m-a-u-x : la nomophobie –no mobile phone phobia- quand nous angoissons de nous savoir soudainement éloigné de notre téléphone. L’athazagoraphobie, qui saisit les Millenials en particulier lorsqu’il s’avère que leurs posts ne génèrent pas suffisamment de likes. Ou encore le phnubbing qui consiste à consulter votre iphone pendant que d’autres personnes, votre petite amie ou vos collègues, vous adressent la parole. Tout se passant comme si, dans tout nos modes de consultation des écrans, plusieurs centaines de fois par jour pour le portable même pour les adultes supposés moins dépendants, «  la moëlle épinière (avait) pris le pouvoir sur le cerveau ». (p. 23)


Car cette prise de conscience change-t-elle nos habitudes ? Nullement. Et pourquoi ça ? Eh bien parce que nous en sommes incapables. Voilà ce que nous dit en substance Bruno Patino, auteur d’un essai intitulé « La civilisation du poisson rouge », publié chez Grasset, qui fait remarquer qu’il est maintenant possible de comparer nos capacités d’attention, qui seraient de 9 secondes pour les Millenials selon une étude Google, avec celle d’un poisson placé dans un bocal, que l’on évalue à une seconde de moins, laps de temps à partir du quel, « il remet à zéro son univers mental ». (p. 13).


Pour Patino, un dirigeant du secteur audiovisuel mais aussi un fin connaisseur des modèles de développement californiens qui ont donné les GAFAN, qu’il observe depuis au moins deux décennies, ce résultat ne doit rien au hasard. Il est la conséquence de la transformation de l’attention en captation, du fait du développement de la recherche neuroscientifique faite au sein du « Persuasive Technology Lab » de la prestigieuse Université de Stanford qui fait de la captologie son cheval de bataille.


Or qu’est-ce que la captologie ? En bien c’est la science de l’assuétude, pour utiliser un mot assez rare que Patino mobilise pour signifier addiction. Si nous regardons nos portables comme des machines, de manière automatique, nous ne le faisons par un effort de volonté mais par dépendance, bref sans y consentir vraiment. Comme l’indique justement Bernard Stiegler qu’il cite (p. 88) : « La disruption est ce qui va plus vite que la volonté ».


Dans la toute dernière partie de cet essai toutefois, l’auteur tente lui-même de se rassurer, et de nous consoler en évoquant les possibilités d’émancipation à venir. En optimiste qu’il fut devant les possibilités utopiques du web, il demeure, tout en nous donnant hélas toutes les raisons de penser le contraire. Page 12 à propos de Google il évoque, inquiétant, le phénomène d’inversion qui se produit lorsque le contenu publié sur le web provient de robots ou de faux comptes par exemple, deviendra bientôt plus abondant que celui produit par l’audience réelle, au point que notre comportement d’utilisateur sera considéré comme déviant par rapport à la norme -celle des ordinateurs-.


En bref, bien peu pour espérer dans ce texte, jusqu’à l’image du poisson rouge dont des études scientifiques récentes ont montré qu’il pouvait souffrir de graves dépressions et que le bocal empêchait sa croissance. Or l’être humain non plus n’est pas un animal d’aquarium, et il n’est peut-être pas trop tard pour le jeter à nouveau dans le bassin extérieur, son milieu naturel.


Le rappel de la règle de Saint Benoît proposée par l’auteur « un tiers pour le corps, le deuxième pour le travail et le troisième pour la vie intellectuelle ou la prière » (p. 85) est de ce point de vue éclairante. Face aux écrans, les journées ne faisant que vingt quatre heures, nous devrons nécessairement sanctuariser des espaces-temps consacrés à d’autres activités.
Face à la pression des captologues, la réponse sera existentielle ou ne sera pas.

Réf.

La civilisation du poisson rouge, Petit traité sur le marché de l’attention, par Bruno Patino, Grasset, 2019.


D'APRÈS LE LIVRE :

La civilisation du poisson rouge

La civilisation du poisson rouge

Auteur : Bruno Patino
Date de parution : 10/04/2019
Éditeur : Grasset
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