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Les élites et la tyrannie méritocratique

Publié le lundi 8 février 2021 . 4 min. 48

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Et si la méritocratie tant vantée par nos politiques depuis des décennies n’était qu'une recette sûre pour la discorde sociale ? Plutôt qu’une morale citoyenne supposée conférer un droit universel à l’estime générale. Une morale qui fonctionne sur le principe suivant : si les footballeurs gagnent autant c’est qu’ils le méritent, ce sont leurs prouesses sportives qui ont fait exploser les droits télé. Si les étudiants de Harvard ou de Stanford arrivent au sommet du pouvoir c’est parce qu’ils ont réussi un concours difficile quand ils étaient jeunes.. etc etc on pourrait multiplier les exemples.


Je cite ici de prestigieuses Universités américaines car nul endroit au monde n’est plus méritocratique que l’Amérique, qui s’estime elle-même la plus méritante des nations. L’Amérique est intrinsèquement bonne d’où ses innombrables succès, diplomatiques et économiques qui découleraient de son caractère intrinsèquement vertueux. Sous-entendu : les nations misérables sont, après tout, complices de leur mauvaise fortune. Au niveau individuel la logique est exactement la même : celles et ceux qui réussissent, notamment leurs études, sont les gagnants, justement parce que les autres n’ont pas été capables de décrocher la palme. Les parents n’hésitant pas à investir des sommes considérables en faisant appel à des consultants privés pour aider leurs enfants à préparer les concours, faisant de toute cette affaire une opération extrêmement stressante pour les élèves en question, et en aucune manière susceptible de favoriser leur apprentissage de quoique ce soit.
Selon Michael Sandel, Professeur de philosophie politique à Harvard, qui s’est fait notamment connaître internationalement pour la qualité de ses cours, que vous pouvez consulter en ligne, le mérite serait assimilable à une forme insidieuse de tyrannie à l’origine du ressentiment qui s’exprime de plus en plus outre-Atlantique. Cette situation amène l’auteur à considérer trois points :


->le premier est de rappeler que l’ascenseur social est bloqué aux Etats-Unis ce qui tend à rendre ce discours sur le mérite et les efforts à consentir totalement vain et inopérant, et nourrit par conséquent les frustrations de la population.


->Sandel indique ensuite le contrecoup politique de ce « cachet méritocratique », à savoir l’émergence dans la société américaine d’une classe de jeunes gens qui ont réussi à l’Université et qui se considèrent alors comme des « winners » autosuffisants, qui voient leur succès comme la mesure avérée de leurs vertus. C’est alors que leur sensibilité civique se trouve heurtée à jamais. Quant à leur potentiel de se montrer humbles, généreux avec autrui, il est comme on peut l’imaginer fortement affaibli. S’ensuit une forme d’hubris qui fait oublier un peu vite la chance et la bonne fortune qu’il aura fallu pour en arriver là. C’était déjà, notez le, la leçon que le philosophe Blaise Pascal adressait au jeune Duc de Chevreuse dans les trois discours sur la condition des Grands : « Ainsi tout le titre par lequel vous possédez votre bien n’est pas un titre de nature, mais d’un établissement humain. (…) ce droit que vous y avez n’est point fondé sur quelque qualité et sur quelque mérite qui soit en vous… votre âme et votre corps sont d’eux-mêmes indifférents à l’état de batelier ou à celui de duc. »


->le troisième point démontre que cette politique ne profite finalement à personne. Pas à ceux bien sûr à qui l’ont fait croire que ne pas aller à l’Université revient à rater sa vie – quand on sait que 2/3 des jeunes américains n’y mettront jamais les pieds -, pas plus qu’aux jeunes gens des familles aisées dont une étude a montré le tribu qu’ils payent en terme de dépression, d’usage de drogues, d’alcoolisme, de tristesse, et ce dans des proportions plus grandes que dans n’importe quel autre groupe social du même âge. Dans une société méritocratique en effet, indique Sandel, les gagnants doivent sans cesse s’auto-persuader que leur réussite n’a été obtenue que grâce à la somme de leurs efforts.


En somme l’auteur s’interroge sur le mérite que nous avons, ou non, à l’égard de nos propres talents. Il fait remarquer justement que si un basketteur de génie est payé très cher, c’est d’abord parce qu’il y a des gens qui aiment le basket et qui ont une télévision, toutes choses dans lesquels ce sportif n’a aucune part. Il déplace finalement notre attention d’une morale méritante vers une éthique contributive au bien commun à laquelle l’Université devrait en premier lieu sensibiliser les futures élites : la crise sanitaire ayant prouvé que, s’agissant de l’hygiène de vie et de la santé des habitants d’une ville, le rôle des éboueurs était au moins aussi important que celui du pharmacien ou du médecin.


En bref, à l’instar de nombreux auteurs qui l’ont précédé dans cette tâche, Sandel nous donne à penser sa conception de la « vie bonne », fondée sur le respect. Une conception qu’il illustre notamment avec la figure de Walter White ce professeur de chimie de la série Breaking Bad dont la contribution sociale est autrement plus forte que celle du richissime trafiquant de méthamphétamine qu’il est par ailleurs.


Réf.

Sandel, M (2020). The tyranny of merit – what’s become the common good. Farrar, Strauss and Giroux, New York.


D'APRÈS LE LIVRE :

The tyranny of merit - What's Become of the Common Good?

The tyranny of merit - What's Become of the Common Good?

Auteur : Michael J. Sandel
Date de parution : 10/09/2020
Éditeur : Penguin
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