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Certains actes de management comme l’entretien individuel d’évaluation des salariés souvent décorrélé du travail réel, ne résistent pas au filtre de la raison malgré les apparences.

L’entretien individuel est devenu un des moments clés de la vie de l’entreprise mais aussi un des moments où s’exprime le plus l’infantilisation des collaborateurs. Les collaborateurs sont sonnés d’expliquer et/ou de s’expliquer sur leur performance « individuelle ». Une telle conception du travail présente plusieurs limites.

En effet, on suppose souvent que le chef, en surplomb, est détenteur d’une vérité objective sur le travail comme le serait un instituteur devant ses ouailles. C’est complètement méconnaitre ce qu’est le travail. En effet, comme le précise Christophe Dejours « les travailleurs sont conduits à faire des écarts ou des infractions… pour bien faire. En d’autres termes, si les prescriptions étaient respectées à la lettre, comme dans la grève du zèle, aucune production ne serait possible. A contrario, la créativité, la coopération, ou encore la confiance ne peuvent être prescrites que comme des objectifs à atteindre, et non comme des protocoles ou des modes opératoires explicites et formalisés ».

Vous comprenez aisément que la sanction positive ou négative d’un collaborateur qui se baserait uniquement sur la partie émergée de ses réalisations serait paradoxalement décorrélée du travail réel. L’essentiel du travail étant invisible, toute mesure du travail est par essence fausse d’où l’importance de la parole pour tenter de matérialiser l’invisible, le non mesurable avec toutes les limites que cela implique.

En outre, la rhétorique de la responsabilisation et « l’égalité » de tous les collaborateurs au travers des objectifs individuels dans le cadre de l’entretien individuel représente ce que Frederik Mispelblom Beyer appelle « le côté jardin » des outils de gestion. Ce côté jardin cache le « côté cour » c’est-à-dire, en ce qui concerne les entretiens individuels, l’enrôlement cognitif et le dispositif de domination qui exclut comme le dit Arnaud Daugnaix « toute possibilité de tractations, de compromis et d’échappatoires ». En effet, lors d’un entretien individuel, l’écoute est rarement une « écoute risquée » c’est à dire capable de transformer l’instrument de mesure et celui qui mesure.

Les managers sont donc souvent amenés à donner leur avis sur le salarié et son « travail » par le truchement de catégories standards déconnectées du travail réel des employés à évaluer. Ainsi, comme le notent Yves Clot et Philippe Zarifian, outre le fait de nier « les sources collectives de l'efficacité du travail », avec l’entretien individuel d’évaluation, « entre les objectifs d'un côté, les résultats de l'autre, on organise la mise en disparition de l'essentiel : du travail ».

Pourtant dès 1972, Maurice de Montmollin, enseignant en ergonomie et consultant, dans son ouvrage « Les psychopitres », mettait en exergue, les limites de ces évaluations individuelles souvent psychologisantes. Pour lui, ces évaluations ne reflètent qu’un « intérêt morbide pour ce que les individus « sont », et non pour ce qu’ils font ou pourraient faire. Amour bureaucratique des rangements et des catégorisations... ». En effet, l’entretien individuel d’évaluation, pour justifier l’atteinte des objectifs individuels présuppose que la création de richesse individuelle soit possible alors que la coproduction et le travail collectif sont devenus les normes dans un environnement et des activités de plus en plus complexes.  Mesurer la participation effective d’un individu à la création de richesse de l’organisation révèle de la pensée magique. Toute action est action sur soi, action avec les autres, sur les autres et pour les autres.

Maurice de Montmollin avait donc vu juste lorsqu’il déclarait, alors que l’époque n’était pas encore à la mode des soft-skills, « que « la psychologie de l’individu ne peut déboucher sur rien d’autre que ces descriptions finalement tautologiques que sont les typologies. Seuls les rapports de l’opérateur avec son environnement, dans la situation de travail, sont significatifs de cette situation ».
Il donnait d’ailleurs un exemple : « savoir que le mari est « brutal » et la femme « égoïste » n’est d’aucune utilité au conseiller conjugal : il ne peut agir que s’il connaît l’histoire du couple ».

Plus de 50 ans après cette mise en garde, l’hérésie perdure dans les dispositifs de sélection et d’évaluation. Nous n’avons toujours pas tiré toutes les conséquences de ses nombreuses mises en garde : « aucune psychologie individuelle ne peut servir à établir de pronostic sur la réussite au travail ».


Publié le mardi 04 mars 2025 . 5 min. 48

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