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Très récemment en France, les organisateurs d’un concours d’écoles d’ingénieurs postbac ont décidé de supprimer l’épreuve de français car jugée « trop anxiogène ». Voilà une décision totalement farfelue et anachronique !

« Parler, c’est penser » dit-on à juste titre ! Nous nous rappelons d’ailleurs de cette merveilleuse et profonde phrase de Wittgenstein : « les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ».
 S’exprimer avec les justes mots, c’est savoir nuancer, savoir, comme disait Jacques Bouveresse, « voir des abîmes là où sont les lieux communs ».
 
Cette propension à vouloir partout éliminer tout ce qui peut paraître « théorique » de notre existence est une vue de l’esprit car ce n’est que faire tabula rasa pour le culte des apparences, de la fausseté donc de la mauvaise théorie.

La campagne de dénigrement contre « la théorie » commence à porter l’estocade et à obtenir des victoires réelles et symboliques grâce à une méconnaissance profonde des mécanismes de la pensée. On ne pense pas avec des cailloux mais avec des concepts et des notions. La théorie ne s’oppose pas à la pratique mais elle la suppose. Cette maladie française consistant, pour être dans le vent (c’est à dire pour être estampillé « pragmatique ») à partout traquer la théorie n’est que, dans le meilleur des cas, l’expression d’une malheureuse confusion entre le théorique et le platonique. Le théorique n’est pas platonique. Loin s’en faut. La théorie permet de lever le voile des apparences et de ne pas tarir les sources de la vie partout où sont des mécanismes, des techniques, des outils… Impossible de penser la vie sans prendre en compte la vie et sa complexité.

Ainsi, dans son dernier essai « La littérature, ça paye ! », Antoine Compagnon
(Professeur de littérature notamment au collège de France et aujourd’hui académicien après des études d’ingénieur à l’école polytechnique), nous donne bien des raisons de faire le pari de l’effort, de la difficulté, de l’intelligence sceptique, du temps long :

« les magistrats lettrés, les politiques cultivés, les diplomates poètes sont plus conscients du rôle de la fortune dans la vie, de la relativité des carrières, du jeu des conseils et des événements, du hasard et de la grâce… Ils sont plus aptes à tirer parti du lot qui leur est échu, à exploiter les atouts qu’ils trouvent dans leur jeu. Ils réussissent parce qu’ils ne le désirent point trop, parce qu’ils jouent comme Julien, comme Fabrice, comme Lucien ».

Je rajouterais que les managers cultivés ont plus d’imagination et de sensibilité pour commercer avec un réel de plus en plus complexe et ainsi obtenir le plus en sacrifiant le moins car ils savent regarder avec les oreilles comme disait Shakespeare et « penser avec les mains ». Ils sont ainsi moins enclins que d’autres à devenir inhumains sans le vouloir et sans le savoir.

Au moment où l’intelligence artificielle monte en puissance, vouloir de fait la concurrencer en formant des esprits serviles dopés au réalisme le plus grégaire, c’est investir dans la déception car le réaliste de talent disait Maupassant n’est qu’un illusionniste ! Nous travaillons donc assidûment à notre malheur.
 
Construire la capacité à s’orienter dans la pensée et dans l’action c’est à dire l’aptitude à faire des jugements corrects est le premier défi de l’éducation de l’Homme : citoyen, ingénieur, manager, peintre, poète… Ce fut le cas dans le passé, cela le sera encore demain.
Concernant la formation des ingénieurs, Auguste Detoeuf, polytechnicien et fondateur l’Alstom, décédé en 1947, n’aurait jamais imaginé qu’on puisse bannir le français dans les concours d’écoles d’ingénieurs. Non seulement il aimait les mots et en jouait mais il pensait que la culture classique devait être un prérequis pour tout ingénieur, je cite :

«… l’éducation scientifique doit être le fond même de la formation de l’industriel. Mais elle a besoin d’un correctif, d’un principe équilibrant, que seule peut donner l’éducation classique…La méthode scientifique annule toutes les nuances et crée partout des différences tranchées ; la souplesse infinie de la vie lui échappe et, pour celui qui ne connaît qu’elle et qui est dominé par elle, au lieu de se subordonner à cette souplesse, de tâcher de s’y adapter tant bien que mal, elle la veut réduire et figer en formules. Rien n’est plus faux, pratiquement, ni plus dangereux ».

Auguste Detoeuf, à l’instar de Teilhard de Chardin avait donc compris que « plus le monde se rationalise et se mécanise, plus il requiert les poètes comme les sauveurs et le ferment de sa personnalité ». A bon entendeur, salut !


Publié le lundi 17 février 2025 . 5 min. 24

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