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C’est un truisme de dire que l’appellation « consultant en management » n’est pas une appellation d’origine contrôlée. Sous cette bannière générique  qui regroupe théoriquement des consultants intervenant dans les organisations pour mieux faire travailler les femmes et les hommes au service d’une performance (durable) par le prisme des outils et/ou des collectifs humains, on trouve ceux qui s’affichent tout simplement comme « consultants en management » mais aussi tous ceux qui se font appeler « consultants en transformation », « consultants en organisation », « consultants en changement », « consultants en pilotage de la performance », « consultants en intelligence collective »… sans oublier, bien sûr,  tout un salmigondis d’intitulés ésotériques, il faut bien se démarquer !


N’importe qui peut être consultant en management du moment où il a un KBIS. Aucune autorité ne régule concrètement la pratique même s’il existe Consult'in France (anciennement Syntec Conseil en management) qui est l'association professionnelle représentant le Conseil en stratégie et management en France notamment auprès des pouvoirs publics. Consult'in France ne représente ni l’ensemble du marché très hétérogène ni ne régule l’accès à la profession.


Sous le vocable « consultant en management » et les dénominations associées, se cachent des « prophétionnels de la prophétie » comme de véritables professionnels que tout sépare : conception du métier, éthique, corpus de connaissances mobilisé etc… Il n’est donc pas étonnant que la profession soit si souvent caricaturée, à juste titre, car prise en tenaille entre les vendeurs d’orviétan, phraséologues patentés et ceux qui pensent que travailler sur et pour le travail des autres les obligent au respect d’un certain nombre de principes éthiques et professionnels. D’ailleurs aucune expérience ni formation ne sont requises pour exercer le métier. On peut être consultant en management à la sortie des études ou plus tard dans la vie voire après la retraite, que l’on soit ingénieur, docteur en management, économiste, gestionnaire, littéraire ou sans diplôme.


Malgré les apparences, le secteur du conseil en management n’est donc aujourd’hui guère plus mature que le monde de la médecine au moyen âge lorsqu’un barbier pouvait aussi être un chirurgien. Il est étonnant qu’une profession qui impacte autant la vie des travailleurs et donc la vie de la nation soit si peu structurée, ce qui est, au moins en partie, une des causes des dérives impliquant des consultants en management souvent venus de cabinets dits prestigieux, observées ces dernières années dans des organisations publiques comme l’hôpital ou dans des organisations privées. Nous finissons par oublier qu’il n’y a pas de lien intrinsèque entre le prestige et les qualités d’un professionnel.


Intervenir dans une organisation pour mieux faire travailler les femmes et les hommes pour une performance durable, ne s’improvise ni ne se réduit au bon sens, aux référentiels et autres bonnes pratiques, l’autre nom joliment donnée aux « recettes » managériales qui littéralement « empoisonnent » les organisations. C’est pourquoi, il n’est pas si curieux que malgré l’inflation du nombre de consultants en management, les maux du travail explosent. Je n’y vois bien sûr aucun lien de causalité mais un tel fait devrait être médité par tout professionnel du conseil en management digne de ce nom.


Soyons néanmoins clairs, il n’y aura jamais un ordre des consultants en management car ce qui est en jeu dans le conseil en management est difficilement normalisable mais les professionnels qui exercent cette activité et les entreprises qui les emploient doivent être plus exigeants. Des principes clairs et partagés doivent guider la profession.


En effet, la maturité des sciences du travail nous permet aujourd’hui d’en déduire des principes aptes à régir la profession.  Ces principes découlent d’une part, de la reconnaissance de l’irréductibilité du travail réel au travail prescrit comme un des déterminants fondamentaux d’une performance soutenable et productrice de santé. D’autre part, ils permettent de converger vers une philosophie partagée de ce qu’est l’essence d’une mission de conseil en management non « prophétique » qui, quel que soit le problème opérationnel à résoudre, n’est rien d’autre que la traduction d’un processus d’éducation au management.


Ainsi positionnée, la profession s’inscrit parfaitement dans la vision que René Le Senne avait de l’éducation : « inquiéter », « promettre » et « aider ». Tout consultant en management doit « inquiéter » dans le sens qu’il doit être capable de mettre en exergue, de faire voir les contradictions, les paradoxes inhérentes à toute organisation pour en saisir les dynamiques. Il doit « promettre » dans un certain champ des possibles en pensant les conditions de possibilité des actions de management. Il doit, enfin, « aider » pour choisir et exécuter les actions permettant d’obtenir le plus en sacrifiant le moins par le développement du pouvoir d’agir des acteurs.


Dans une organisation qui se rationalise et se mécanise avec les récents développements technologiques et la montée en puissance de référentiels de toutes sortes, le consultant en management doit plus que jamais placer le sens de l’humain donc le travail réel au centre de sa pratique et ainsi s’éloigner du fétichisme verbal qui réchauffe les cœurs mais qui cause tellement de tort à la profession et à ses clients.


Publié le jeudi 5 septembre 2024 . 5 min. 56

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