Savoir apprécier les bons côtés de la rigidité

Petit éloge de la rigidité ! Eh OUI ! De la rigidité !

Dans un monde où tout change de plus en plus vite, un mantra managérial est de travailler en mode agile ! Nous sommes comme hantés  dans notre cerveau reptilien par l’image des dinosaures énormes et surpuissants vaincus par les changements climatiques contrairement aux petits mammifères qui ont su résister car agiles.

Agiles, flexibles … c’est valable pour l’individu comme pour l’organisation, pour les méthodes de travail comme pour l’état d’esprit.

Ce qui serait à l’opposé, donc, rigide et lourd serait donc à jeter ?

Certes, quand on regarde son étymologie, le mot rigide qui vient de rigor (raide) n’est pas du côté du vocabulaire positif, mais certains de ses synonymes sont intéressants : rigueur, fermeté, solidité, résistance et nous incitent à le regarder différemment.
Il me semble donc intéressant de poser une question avec un peu de recul critique.

Si la rigidité avait du bon ?

C’est bien sûr complètement à l’opposé de la doxa ambiante. Mais à bien y réfléchir :

1/ Pour une personne, la rigidité peut renvoyer à la droiture. A la capacité à ne pas se laisser pervertir, ou même seulement influencer. Avoir ses croyances profondes, se connaitre et résister à la lubie du moment est positif.
2/ La rigidité peut se retrouver aussi dans l’obstination stratégique. Les méthodes agiles s’inspirent du « test and learn » avec une capacité à remettre en cause très vite ce qui ne fonctionne pas ou ne rencontre pas immédiatement les attentes du client. Mais parfois, il faut savoir persévérer et « éduquer » ses parties prenantes pour arriver à son objectif, au bénéfice de tous.
3/ La rigidité, ce peut être aussi, pour un produit ou un service, l’authenticité. On a gardé le même coup de main, la même façon de faire depuis des décennies, des siècles et c’est ce qui fait le distinctif de l’offre.
4/ Des structures organisationnelles rigides sont plus simples à identifier et à décrypter. Elles ont pour elle la stabilité sur laquelle peut se construire la pérennité. Des organisations millénaires comme l’Eglise ou l’Armée en sont la démonstration.
5/ La rigidité dans les procédures et les méthodes de travail est aussi l’occasion de gagner du temps, de réduire les coûts d’entrée et de coordination car tout le monde sait comment agir avec une procédure stable.
6/ Enfin, on peut retrouver la rigidité dans la routine : tous les jours, accomplir les mêmes gestes, avoir les mêmes rituels peut être une façon d’alléger la charge mentale, de se rassurer, de se protéger contre le chaos du monde.

Certes, avec la rigidité nous sommes loin de « cette capacité à anticiper et à innover en permanence avec une entente entre toutes les parties prenantes », telle que peut être définie l’agilité. Mais est-ce qu’une organisation, une entreprise, peut se passer complètement de bases certes un peu lourdes et pesantes, mais qui, au final font l’armature de structures plus souples et malléables ?

L’entreprise est comme un bateau, elle a besoin de voiles très souples pour avancer et d’une coque rigide pour mener à bien sa précieuse cargaison.