Soyez distinctif plutôt que différent

Ces injonctions nous accompagnent dès le plus jeune âge, nous faisant entrer dans un monde de compétition et de comparaison permanentes.

Nous regardons l’autre et nous l’évaluons dans un jeu trop souvent « perdant-perdant », car épuisant voire angoissant, qui conduit au syndrome de la « fatigue d’être soi » mise au jour par le sociologue Michel Ehrenberg.

L’erreur est de vouloir mettre en avant sa différence sur le mode de la performance et de la compétition. Cette attitude conduit à  des dérives très courantes : la mise en scène de son intimité ou celle de ses proches (des jeunes gens font actuellement des procès à leurs parents pour qu’ils retirent des photos d’eux, nus, bébés ou enfants), l’exhibitionnisme ( de son corps, de sa richesse, de ses amours ..), la perte de repères (avec l’estime de soi mesurée au nombre de likes), le mensonge (avec l’invention d’une vie sociale).

La question est importante car nous vivons dans un monde « hypermoderne », qui se caractérise par une montée en puissance de l’individualisme, un monde où chacun, chacune, est « sa petite entreprise », comme le chantait Alain Bashung.

La prise de conscience que nous sommes responsables de qui nous sommes se développe très tôt avec la fréquentation des réseaux sociaux, présentiels ou virtuels. Elle ne fait que croître avec les attentes d’un monde professionnel hautement compétitif qui raisonne en termes de portefeuilles de compétences ou d’employabilité.

On peut chercher à s’en affranchir, mais on comprend bien que, pour être dans cette vaste conversation qu’est devenu le monde, il faut accepter cette règle.

Comment résoudre cette tension : il ne faut pas chercher à être différent mais apprendre à être distinctif. Ce qui signifie qu’on maîtrise cette nouvelle façon d’être en société, et qu’on ne la subit pas.

Pour être distinctif, il faut :
1/ bien se connaitre, et mettre au jour ces caractéristiques qui font de nous une personne unique,
2/ les apprivoiser et apprendre à les aimer,
3/ les assumer vis-à-vis des autres en toute sérénité. Assumer d’être « trop » ou « pas assez » : trop grand, trop handicapé, trop riche, trop belle, pas assez dynamique, pas assez ambitieux, pas assez sociable …. Il s’agit de faire de ses caractéristiques des éléments distinctifs de « qui nous sommes ».

Etre distinctif, ce n’est pas vouloir marquer la différence ou l’utiliser comme éléments de performance. Non ! C’est l’assumer tranquillement. C’est aussi avancer dans l’idée que la société est riche de sa diversité et que le « vivre ensemble » n’est pas une compétition à tout crin, mais de la reconnaissance et du respect.

Chacun peut alors assumer sa place et son rôle sans se fondre pour autant dans l’homogénéité.